mardi 6 juillet 2010

Condensation des affects, mort ou folie

"Si tout plaisir se condensait et s'il durait en même temps qu'il était répandu dans tout l'agrégat ou dans les parties principales de notre nature, les plaisirs ne diffèreraient jamais les uns des autres"
Telle est la neuvième des 40 maximes capitales d'Épicure.
Il se trouve que la même idée de condensation des affects en un  moment donné m'était venue à l'esprit il y a quelque 30 ans mais d'un point de vue résolument opposé. En effet Épicure évoque les plaisirs quand moi je pensais (et pense encore d'ailleurs) aux souffrances, aux douleurs de toute sorte que nous devons nécessairement connaître au cours de notre existence.
On peut questionner la notion même de plaisirs et penser qu'en fait de plaisirs c'est surtout l'absence de douleurs dont il faudrait parler. C'est la douleur qui est positive (non pas au sens moral et rédempteur) nous dit Schopenhauer en ce qu'elle se ressent effectivement et activement contrairement au "bonheur" qui n'est pas réellement ressenti.
Ainsi être en bonne santé ne se sent pas, ne se ressent pas véritablement, cela paraît devoir être notre état naturel alors que la douleur, la maladie et la souffrance font autrement connaître leur présence et existence actives!
Il est sans doute bien des personnes qui ont connu peu de douleurs physiques de toute leur vie et c'est tant mieux pour elles. Si ces douleurs devaient se concentrer en un moment de quelques minutes de leur vie, cela pourrait être très douloureux mais n'entraînerait pas de conséquences irrémédiables.
D'autres par contre souffrent et ont souffert dans leur corps leur vie durant. La douleur est une composante permanente de leur existence et elle est "supportable" parce que la quantité donnée qu'il leur est échu se déploie dans la durée. Concentrée en quelques minutes cette douleur ne pourrait connaître qu'une issue: la mort qui est la dernière ressource pour échapper au Mal.
Il n'en va pas de même je crois pour les atteintes dans nos affections mentales, psychiques, morales et affectives. On peut légitimement croire que tous les individus qui sont venus à l'Être et l'ont quitté ont connu chagrins, misères, souffrances, tourments, angoisses, craintes, désespoir etc.
Si tout ce que nous avons traversé d'épreuves de cet ordre se trouvait condensé en quelques minutes de notre vie, c'est sûr, personne ne pourrait le supporter et tout nous sombrerions dans la folie.
Mort ou folie, telle est en dernier ressort l'alternative qui nous est imposée avant même que nous n'apparaissions. Notre destin nous devance de toute éternité car la véritable essence de notre être c'est le Mal et la douleur.
C'est bien l'esprit qui compose notre substrat nécessaire et non la chair qui n'est qu'accident de l'Être.
(Today is the 4th anniversary of Flocon's death. Some hours after the vet put him to death I listened to this piece. I start crying each time Richter reaches 2'40 which expresses the acme of my grief)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Sending you some warm sunshine from New Mexico which might perhaps surround you in a light that eases the pain of remembering Flocon. You have such a kind heart to have these feelings for a kitten. He was your friend. You enjoyed his company and you cared for him. Alas, it is those who love the most who also hurt the most.

The music is not playing for me..

Anonyme a dit…

qqchose de bizzare au blog ce jour de l'anniversaire de Flocon. Il y a une problem avec des notations des commentaires.

Flocon a dit…

Yes, Flocon lived all of his life (17 years) with me and when we parted I had spent a third of my life with him...

Oui il y a souvent des problèmes avec Blogger même pour moi.

Depuis quelques temps ZapPow ne peut plus se connecter avec son pseuso à Blogger.

Les commentaires (ça m'est arrivé hier) peuvent ne pas être publiés ou la page est trop lourde et met trop de temps à s'ouvrir pour merbel.

I'm afraid there's nothing I can do about it...

Il faut attendre que cela passe...


Pour info les commentaires sont limités à 4096 signes. Alors il faut dvviser le commentaire en 2.

merbel a dit…

Flocon, je n'ai pas trop osé intervenir sur ce billet. On l'a appris que l'épicurisme c'est l'absence de douleurs et donc je n'ai jamais assimilé ce terme au plaisir (ou à l'orgie!rires!). Chacun a eu des souffrances, des chagrins, des écorchures, des fêlures à en devenir fou. Voilà pourquoi on relativise les maux. Il n'y a que la mort qui soit irréparable et l'indication au bas de votre billet signalait ce fait incontournable.

Mais puisque ce matin vous me dites aimer l'étymologie, voilà ce que j'ai trouvé dons mon dico favori dont je vous ai parlé avant

"FLOCON n.m. est un dérivé (1178) de l'ancien français floc n.m. "petite houppe de laine" (1130) issu du latin flocus "flocon de laine", mot expressif.
Flocon, "petite touffe (de laine, de soie) désigne par extension une petite masse très peu dense, notamment de neige (1622)"

A voir le pelage, vous aviez résolument pris le contrepied par rapport à la définition du mot du XVIIéme siècle, mais à regarder l'abandon dans lequel est plongé votre chat, vous aviez sans doute vu juste, étymologiquement parlant, en le nommant ainsi... sauf qu'il était une "masse extrêmement dense" en complicité, en confiance et en affection partagées.

Flocon a dit…

Dans sa maxime IX Épicure veut montrer que justement les plaisirs ne sont pas le bien suprême auquel doivent aspirer les hommes puisque précisément in fine ils sont indiscernables les uns des autres dans une certaine configuration fictive (condensation).

Il aurait pu en dire de même des maux mais chacun sait que les maux sont à éviter et personne ne les désire comme fin ultime.

Il faut éviter les maux cela va de soi mais il ne faut pas croire que les plaisirs en soient la panacée.

Il faut fuir les uns et ne pas s'illusionner sur le pseudo remède au mal que serait le plaisir.

Il devance ici Schopenhauer dont la métaphysique dans sa partie morale reprend et développe cette pensée: il n'y a de réalité que le mal et non ce qu'on appelle bonheur.

Cette pensée parcourt le Livre 4 du Monde mais aussi ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie (première partie des Parerga et paralipomena).

Voire Eudémonogie

Cela dit, que l'être l'emporte sur l'avoir, c'est une considération que l'on retrouve dans toute l'histoire de la philosophie depuis Confucius (Analectes) jusqu'à, allez disons Alain, en passant par tous les Grecs, Spinoza, les moralistes français des XVII et XVIII etc.

Ce n'est plus un thème philosophique après Schopenhauer (son système ne se réduit certes pas à ces considérations) tant Hegel, Nietzsche, Husserl, Bergson ou Hiedegger et toute la philosophie continentale ont développé bien d'autres thématiques.

Quant à la philosophie analytique (Wittgenstein et ce qui a suivi) cela n'a jamais fait partie de ses préoccupations.

Ce qui m'a servi d'idée pour ce billet c'est la notion de condensation (fictive évidemment) des affects. D'où le développement qui aboutit à l'alternative que je présente.

Flocon a dit…

Gros problèmes ce matin avec les Commentaires sur Blogger décidément. Ça passe une fois (mal) et ça ne passe plus pour une deuxième réponse.

J'essaierai plus tard (à propos du nom Flocon).

Le blog s'affiche-t-il plus rapidement qu'auparavant?

(Je sais que vous devez frissonner d'horreur quand vous tombez sur mes faute d'orthographes...)

Je corrige après coup lorsque je les repère. Trop tard, le mal est fait :-(