Suite au billet
Généalogie et Philatélie qui a attiré quelque 25 visiteurs et une vingtaine de commentaires, je me suis rendu sur des blogs ou forums consacrés à cette distraction/passion.
Il m'avait été "reproché" de n'avoir qu'une vision partielle de cette activité, autrement plus riche, paraît-il, que ce que j'en disais.
Un point en particulier avait été évoqué, c'est que la généalogie permettait de mieux connaître l'histoire, la géographie, la sociologie voire les pratiques manufacturières de nos ancêtres.
Il se trouve que c'est exactement ce que je m'entendais dire, gamin, sur l'intérêt que représentait la philatélie. J'étais déjà sceptique... Je ne suis plus sceptique, je suis persuadé que cet argument ne sert qu'à justifier une manie un peu vaine (je ne veux froisser personne) en lui donnant un vernis éducatif et intellectuel précisément parce que l'on perçoit la vacuité de cette recherche.
Si l'on veut connaître l'histoire, la géographie les techniques d'antan, c'est certainement plus en lisant les milliers d'ouvrages qui traitent de ces sujets qu'en collectionnant des petites vignettes de papier ou en collectant des bribes d'information sur des personnes dont on ne sait à peu près rien.
J'ai donc visité quelques blogs sur lesquels je retrouve toujours les mêmes schémas que j'avais exposés dans le précédent billet : Untel est né ici à telle date, a épousé Unetelle là à telle autre date, ils ont eu X enfants. Monsieur était garde chasse, menuisier, paysan, madame a élevé 4 enfants et cela ne va quasi jamais plus loin.
Un autre point ne manque pas d'attirer mon attention c'est lorsque l'on sait que le couple a eu 3 enfants dont les généalogistes ne suivent la descendance que d'un(e) seul(e), celui ou celle dont ils sont les descendants directs. Et pourtant leur arrière, arrière (autant de fois que l'on voudra) cousins cousines ont tout autant qu'eux la même origine "biologique". Pourquoi donc ne pas s'intéresser à leur devenir non plus qu'à leur descendance?
Peut-être parce que le nombre de descendants des arrières, arrières etc. est à ce point énorme que l'on ne s'y retrouve plus et que ce serait constater que nous sommes tous liés les uns aux autres à un moment donné.
Mais je vois autre chose dans cette focalisation sur l'ancêtre originel dont les généalogistes traquent l'ombre aussi "loin" qu'ils le peuvent. Ne s'agirait-il pas là d'une manifestation narcissique se présentant sous le masque d'une pseudo curiosité historico-familiale ? Car, de ce que j'en comprends, le (la) généalogiste tient essentiellement à mettre en lumière autant qu'en valeur le lien direct qui le rattache à une origine "mythique" dans laquelle il trouverait une réassurance existentielle par la proximité toujours plus manifeste avec la figure du Père fondateur, le Père protecteur et dispensateur de sa reconnaissance.
Si quelques généalogistes viennent à lire ces lignes je ne doute pas qu'ils se récrieront que je suis complètement à côté de la plaque et que je m'embarque dans d'invraisemblables délires.
Libre à eux bien sûr de penser cela car de toute façon il n'est guère envisageable que mon discours les amène à se poser les questions que je suggère.
La recherche généalogique manifestement se fonde sur une lignée biologique et sur rien d'autre. Mon arrière (x 10) a eu 3 enfants dont l'un a eu 2 enfants dont l'un etc. jusqu'à moi. En ligne directe, notre ADN en pourrait témoigner.
Et si c'est le lien biologique qui me relie à mes ancêtres cela revient à dire qu'il y a 12 générations celui-ci avait un foie, 2 poumons, 1 cœur, 2 reins, une température d'environ 37.2°, une pression artérielle située entre 14/7,5 et 18/10, un certain taux de cholestérol, un groupe sanguin déterminé, un poids et une taille donnés etc. exactement ce que nous sommes aujourd'hui et étions il y a 100.000 ans (hormis taille et poids)
Le plus extraordinaire, c'est que les généalogistes ne savent quasi jamais si leurs ancêtres et leurs proches ont souffert de telle ou telle pathologie, de quelle façon ils sont morts, dans quelles circonstances etc. alors même que leur passion n'a d'autre fondement que le lien biologique qui font d'eux leurs descendants. Y en eut-il parmi ces ancêtres qui étaient handicapés, sourds, muets, aveugles, bègues ? Quelle était leur apparence?
Ce qui pourrait avoir un certain intérêt, tout de même très limité à mon sens, c'est de savoir qui étaient mes ancêtres (mais personnellement je m'en contrefiche absolument) d'un point de vue psychologique. Quels étaient leurs intérêts (si même ils en avaient), leurs caractères, leur moralité, la qualité des liens qu'ils pouvaient entretenir avec leurs contemporains. Quel était leur état mental, souffraient-ils (certainement) d'une quelconque névrose dont des linéaments seraient parvenus jusqu'à moi?
Mais on ne sait jamais rien de tout cela qui fut leur vie et qui les distinguait justement les uns des autres et les singularisait au-delà de leur groupe sanguin, de leur taille ou du nombre d'os dont ils étaient constitués (pareil que moi en fait).
Bon, mon propos n'est pas de gâcher leur plaisir à ceux que cela amuse mais je considère la généalogie comme un pur divertissement pascalien, parfaitement vain mais tout de même révélateur d'une incomplétude psychique de ceux qui s'y adonnent.
J'aime bien l'illustration qui montre un avion upside down par une erreur d'impression du service des postes américain. Cela est tout à fait à l'image (c'est le cas de le dire) tant de la philatélie que de la généalogie : C'est un peu le monde à l'envers, on passe à côté de l'essentiel en s'égarant dans des voies de travers qui n'aboutissent à rien.