mardi 29 avril 2008

Une belle vocation.




Il y en a qui veulent devenir médecin, d'autres enseignant, chercheur ou artiste. Architecte ou avocat. Des vocations... Et puis il y en a qui veulent être magistrats. Tout petits déjà, leur ambition c'est de juger leur prochain...

Le procureur dans l’affaire Dils regrettait dans son réquisitoire que la peine de mort eût été abolie sinon il n’aurait pas hésité à la réclamer. Rappelons que Dils avait 16 ans, qu’il a passé 15 ans en taule et qu’il a été innocenté en appel par la cour d’assise de Grenoble il y a six ans. J’ai le sentiment qu’ils sont très nombreux dans la magistrature (un corps particulièrement rock’n roll comme on sait) à regretter l’abolition de la peine de mort. Faut les comprendre, les magistrats c’est un peu de leur jouissance qu’on leur a retiré. Je ne suis pas sûr qu’au fond d’eux-mêmes certains ne regrettent pas l’abolition de la torture.

Ce sont les mêmes qui oeuvraient pendant l’Occupation, les mêmes qui ont prêté serment le petit doigt sur la couture du pantalon au Maréchal (sauf 1). Imaginons le juge d’instruction de l’affaire d’Outreau en 43… Pourquoi s'illusionner? Si les conditions historiques de 40/44 étaient retrouvées, nul doute qu'un occupant trouverait au sein de la chancellerie tout le personnel compétent pour faire appliquer son idéologie.

A mon sens on devient juriste (magistrat) comme on devient militaire pour certains: la sécurité d’un univers mental tout préparé où il n’est jamais demandé de sortir des sentiers battus du raisonnement et de la pensée. L’irresponsabilité garantie constitutionnellement des magistrats est comme la pierre de voûte d’une structure sociale toute consacrée à la protection et à la dépersonnalisation de ses prêtres. Le statut de quasi fonctionnaire (ce n’est pas tout à fait ça mais c’est bien l’État qui emploie et rémunère ses fidèles serviteurs) est le couronnement de cet édifice. On devient magistrat quand par nature on est rétif à la fluidité de la vie et de la pensée et qu’on est assuré de trouver un espace qui par nature est lui aussi essentiellement immobile puisqu’il est chargé de faire respecter les lois qui assurent la stabilité de la communauté. Le Code Civil n’est pas responsable de cet état de fait mais il conforte les personnalités de ceux qui ont besoin en permanence d’une sorte de tuteur mental et qui sont assurés de le trouver dans ce merveilleux recueil où tout est prévu, codifié, préétabli. C’est de l’ordre de la jouissance. Pour d’autres c’est la Bible…

Jamais entendu parler de poètes, de romancier ou de qui que ce soit de talent issu de la magistrature. Etonnons-nous qu’aucun autre corps ne soit à ce point caricaturalement corporatiste. Il est de l’essence même du magistrat -la fonction comme la personne- d’être l’incarnation même de la résistance au changement. C’est viscéral, essentiel, structurel.

Question argumentation, les magistrats ont le nez fourré dans les codes, ne serait-ce que parce que, précisément, ils ne sont pas là pour faire de l’improvisation ou de la créativité conceptuelle, tout au contraire.

La garantie constitutionnelle n’est pas la source de la stérilité intellectuelle des magistrats elle en est bien au contraire le couronnement, la garantie, la pierre de voûte ai-je écrit, comme le parachèvement homéostatique du système.

- Telle est l’essence même de la psychologie du magistrat. Par sa nature fondamentalement conservatrice et ordonnée il est le mieux à même d’opposer efficacement son inertie intellectuelle “innée” à l’imprévisibilité de la nature humaine. On est une fois encore dans la jouissance de la complémentarité. La stérilité mentale du magistrat trouve dans l’imprévisibilité de la chose humaine l’occasion de s’exercer, de s’exposer, de se reconnaître pour ce qu’elle est. Le magistrat par nature a besoin de son contraire pour exister et se voir reconnu dans sa médiocrité intellectuelle.

Le citoyen a besoin de savoir comment il sera traité. Oui, il lui est reconnu le droit de connaître à l’avance quelle sera la procédure -civile, pénale- qui lui sera appliquée. C’est bien ça, un univers balisé de procédures, mais on ne parles plus là des magistrats mais de l’univers professionnel dans lequel ils se moulent si parfaitement, précisément pour cette raison qu’ils ne leur est surtout pas demandé de créer quoique ce soit, tout est déjà prévu à leur usage, la procédure, si rassurante pour les esprits étroits et ineptes…

- Ce qu'on appelle la garantie constitutionnelle de l'indépendance des magistrats est surtout et avant tout la garantie de leur totale irresponsabilité, parce que pour ce qui est de leur indépendance… Les magistrats font ce qu’on leur dit de faire. J’imagine déjà le juriste en train de s’étrangler alors comprenons le comme ça: Ils font ce qu’on leur dit de faire au sens où on leur dit d’appliquer la loi dans le cadre des procédures existantes; alors ils le font. C’est une constante universelle, le magistrat est au service du pouvoir qui l’emploie et le rémunère puisque c’est ce pouvoir, quel qu’il soit, qui édicte

1° les lois que les magistrats devront appliquer et
2° leur mode exécution.

- Ah, les merveilleuses années pompidoliennes où la magistrature était à la botte du pouvoir gaulliste… Ne serait-ce que par l’origine sociale des magistrats, c’est sûr que les valeurs dans lesquelles ils avaient été élevés les préparaient bien à contester l’ordre pompidolien

- Il y avait des magistrats “indépendants” en URSS et dans tous les pays de l’est, comme en Irak avant et après, ou en Yougoslavie par exemple. Et qu’est-ce qu’ils sont devenus ces magistrats indépendants maintenant que le vent a tourné? Hé, ben ils sont toujours indépendants… de leur sens moral (inexistant) atrophié on va dire… L’exemple de la Yougoslavie n’est pas tout à fait pris au hasard. Même du temps de Milosevic ce n’était pas une dictature, personne n’a soutenu cette thèse. Eh bien dans cette République démocratique il s’est trouvé des magistrats indépendants pour condamner Jacques Chirac à 10 ans d’emprisonnement sous le chef de crime de guerre durant la guerre des Balkans. Je n’ai pas encore réussi à trouver le lien (Je ne lis pas le serbe couramment) il n’empêche que ce jugement a été rendu par un tribunal yougoslave indépendant…

On a la vocation de magistrat quand on sait n'avoir pas plus de créativité et d’intelligence que le premier minus habens (sens originel latin: “Qui a moins”) prêt à se faire définitivement et complètement débarrassé du peu dont il est capable à l’E.N.M.


6 commentaires:

ZapPow a dit…

Mais si mais si, il y a des gens de talent chez les magistrats. Des romanciers. Des poètes. Le plus célèbre d'entre eux doit être Walter Scott, mauvais clerc, mauvais avocat, juge passable pendant plus de vingt ans. Et Henry Fielding, auteur entre autres du roman picaresque Tom Jones. Bon, c'est vieux, mais plus près de nous tu as José Cabanis, lauréat du grand prix de littérature de l'Académie Française, qui n'a supporté l'ennui de ses quarante années de magistrature qu'en écrivant romans et essais. Eric Halphen a écrit un premier roman, un polar de fort bonne facture, paraît-il. Il y en a bien d'autres.

Il ne faut pas désespérer de la magistrature;-)

Flocon a dit…

En premier lieu, c'est après une "vocation" que j'avais envie de me débonder...

Il y a les magistrats au civil et au pénal. Les affaires familiales (pensions alimentaires, garde d'enfants, divorces, successions) les affaires commerciales etc. c'est de la gestion des affaires courantes à la portée de n'importe qui, techniquement formaté pour ce faire.

Quant au pénal, c'est là que ça craint quand on sait qu'on est à la merci de n'importe quel pervers en puissance.

Tu me cites Walter Scott, j'ignorais qu'il fut magistrat. Montesquieu aussi l'était mais ce n'est pas pour ça qu'il est resté.
On achetait des charges à cette époque, il fallait se caser en rapport avec ses origines.

J'ignorais aussi que Cabanis ait été magistrat. Wiki est très peu disert sur lui. Mais à voir la liste de ses ouvrages on devine, comme tu l'as écrit, qu'il devait s'ennuyer fermer dans la magistrature... Un égaré sans aucun doute...

Son premier ouvrage traitait de philosophie semble t-il (La Pitié (Schopenhauer, Nietzsche, Max Scheler, Dostoïevski) (Gallimard, 1948)

Lui n'avait pas la vocation comme les petites têtes à claque qui intègrent l'E.N.M chaque année.


Il ne faut pas désespérer de la magistrature

Il faut bien en passer par là puiqu'ils sont en place. :-(

Anonyme a dit…

Etant moi-même magistrat, j'ai enfin trouvé ce que je cherchais : une description précise et scientifique de ma perversion. Celle qui me pousse, par pur plaisir, à condamner et me défouler sur mes citoyens, juste par cruauté et petitesse d'esprit.
Vous avez raison de taper comme une brute sur la magistrature! Nous sommes des abrutis, des nuisibles! La société devrait nous éradiquer, mais faites donc confiance aux hommes politiques, ils ont entamé le chantier...
Mon seul souci, dans votre intérêt, c'est ce qui se passera après. Etes-vous sûr qu'une fois notre sale espèce exterminée, notre société deviendra un havre de paix, enfin libéré du joug oppresseur de ces minables juges pervers?
Mais je dois vous faire une confidence... Je crois qu'il vaudrait mieux raison garder et éviter l'amalgame. J'en connais un paquet de juges... certains sont mauvais, alors que d'autres, pétris de qualités, m'inspirent une confiance absolue telle que je n'aurais crainte d'être jugé par eux. Finalement ces sales pervers sont assez proches des autres professionnels. Je crois que c'est normal, car ce ne sont que des hommes. Certes tout n'est pas parfait. Seule une approche raisonnée des questions de justice permettrait d'améliorer le fonctionnement global de cette institution. Mais il s'agit là d'une démarche intelligente et difficile. Manifestement, ce n'est pas sur ce blog qu'on est prêt d'y arriver !

Flocon a dit…

Bienvenu pseudo magistrat...

Il se trouve que l'auteur de ces lignes qui vous ont ébouriffé a passé ses 4 ans à la fac de droit il y a bientôt 40 ans, pendant lesquels il a pu admirer les qualités intellectuelles tant de ses condisciples futurs magistrats, avocats, notaires, DRH etc. que de ses professeurs et de leurs assistants.

Mais tout de même, la finesse et la pertinence de votre ton m'a amené à relire ce billet vieux de près de trois ans.

Eh puis non, je n'ai rien trouvé d'outrancier mais nombre d'arguments auxquels vous n'avez pas jugé opportun de répondre. Pas même un.

Mireille Maubert vous connaissez?

Je relis encore votre aimable commentaire et je ne peux, hélas, qu'y trouver confirmation de ce que j'écris dans le billet...

Vous êtes magistrat écrivez-vous. Je me demande bien pourquoi un magistrat (ou un juge) ferait une recherche Google "Vocation magistrat". A moins bien sûr qu'il ne s'agisse d'un tout jeune homme qui va peut-être intégrer l'E.N.M ou qui est parvenu à se hisser en deuxième année de cette honorable institution dont sortent tous les ans quelques dizaines d'individus dont la vocation est de juger leur prochain.

Mais je suis d'accord avec vous cependant. Bien sûr qu'il est nécessaire que la Cité dispose d'un corps de magistrats comme il est nécessaire qu'il y ait des gars pour nettoyer les poubelles des boucheries Bernard pendant la nuit.

"il s'agit là d'une démarche intelligente et difficile. Manifestement, ce n'est pas sur ce blog qu'on est prêt d'y arriver!"

:-D

A la fin de l'envoi, je touche!

Vous connaissez?

Allez, je m'amuse mais il faudra tout de même être plus assidu aux cours de rédaction des attendus parce que là, franchement, vous faites très lourd. Vous les avez séchés et ça se voit.

Que mon avenir puisse dépendre d'un gars qui écrit comme vous le faites, oui ça me fait flipper...

Anonyme a dit…

On voit ici les grands frustrés...

Flocon a dit…

Ce qui me plaît bien c'est que pour arriver ici le dernier commentaire est passé par cette page où, a priori, ne se rendent que ceux qui se posent des questions sur cette "vocation" ou du moins s'y intéressent.

Un (une?) future magistrat donc qui ne trouve rien d'autre à faire que lacher sa petit crotte d'insignifiant moineau.

Encore plus drôle, le dernier a pu lire le commentaire du début d'année où l'un de ses pseudo confrères faisait étalage de sa subtilité conceptuelle et langagière.

Pas de doute, ils sont destinés à s'entendre ceux-là... :-))