vendredi 4 juin 2010

Mes profs

Un article sur la déprime des agrégés.

Je ne me suis jamais intéressé aux questions relatives à l’éducation, programmes, réformes etc. Quand j’étais au lycée j’étais objet qui faisait ce qu’on me disait de faire. Passé le bac, le plus gros était fait. J’ai juste des souvenirs de très rares bons profs et d’une grande majorité de fonctionnaires qui faisaient leur taf sans plus.

Combien de professeurs rencontre-t-on entre la 6ème et la terminale ? Une petite cinquantaine environ, un peu plus pour les redoublants, dont moins de 10%  (oui, 4 grand max.) m’ont laissé le souvenir d’enseignants qui savaient générer une relation d’intérêt avec leurs élèves.

Pour ces 4 là, combien d’aigris, de ratés, de médiocres, de sadiques, de pauvres types ou femmes lassés de 15 ou 25 ans d’enseignement ? J’ai eu en 5ème (1964) un OAS qui dégoisait contre de Gaulle et pour l’Algérie française. Comment pouvions-nous recevoir son discours ? On ne savait pas même de quoi il parlait. S’il n’avait tenu qu’à lui je me serais retrouvé dans un collège d’apprentissage à apprendre comment me servir d’une machine outil. La même année mon prof de maths, un vieux bonhomme qui en était resté aux années 30, me disait ouvertement le mépris que lui inspirait mon inintelligence. Même chose avec une de ses collègues, jeune d’ailleurs, 3 ans plus tard. 

Mon prof de philo était un rebut de l’E.N qui lisait son canard pendant que nous discutions. Une prof d’allemand, d’une remarque, m’a dégoûté à tout jamais de sa discipline. Un prof d’anglais royaliste tendance nazillon ne m’a pas laissé le choix d’aimer ou pas la matière : il était plus que limite agression physique sur des gosses de 14 ans. Un prof de français auquel je balbutiais quelques mots (« je pensais que ») pour expliquer la raison de je ne sais plus quoi me répondit : Vous n’avez pas à penser ! De la part d’un prof, un supposé éducateur…

Après 68 nous nous sommes entendus demander par une prof près de la retraite : « Vous avez fait la révolution, très bien, alors que voulez-vous maintenant ? » Nous avions 16, 17 ans, à Paris c’était les étudiants (20 ans et plus, Cohn Bendit avait 23 ans, Jacques Sauvageot 25 ans, A. Krivine 27 ans, Alain Geismar 29 ans) qui occupaient le terrain… Nous étions encore des gosses que cette prof voulait ridiculiser et culpabiliser. Gros silence dans la salle, nous n’étions responsables de rien ni même concernés. Un prof d’Allemand avait la phobie que nous lui cassions la gueule derrière une porte maintenant que nous avions "pris le pouvoir"… 

Je les ai presque tous oubliés en fait.

Comment ai-je pu me sortir de cet univers dézingué ? Il faut savoir se retrancher derrière des mécanismes de défense et protection. Chacun le sien s’il le peut. 

Un miracle que j’ai eu le bac auquel je me suis rendu comme on va à l'abattoir! L'avoir m'a fait douter de l'inexistence de Dieu himself vous dis-je

Tout ça est passé, je n’ai aucune opinion sur les profs en général, je me souviens juste m’être coltiné une sacrée brochette de pov’ cons.

Quand on songe aux dizaines de milliers de gosses, en France seulement, qui ont déjà tout le poids des névroses et conneries familiales sur les épaules ce qui les rend déjà fragiles et vulnérables, on est effondré par l’ampleur du massacre mental et intellectuel qui est à l’œuvre à l’échelle du monde entier. Le gaspillage d'intelligence qui se poursuit jour après jour... Il y a de quoi faire un billet (un livre oui) sur ce seul thème.
Si certains jeunes recherchent l'autorité pour leur permettre de progresser ils ne veulent pas d'autoritarisme. Ce dernier semble être regretté par certains enseignants en souvenir d'une époque où ils pouvaient démolir psychologiquement sans risque aucun les élèves tout en lisant 30 années durant les mêmes pages jaunies.
(Réaction d’un lecteur du Monde)
(Enes Bilal est le 4ème à partir de la droite au 2ème rang à partir du bas)

10 commentaires:

merbel a dit…

Je suis entrée en 6ème en septembre 1968, au lycée, dans une petite ville normande. Je me souviens avoir porté un trimestre- et seulement un!- les deux fameuses blouses (rose une semaine , bleue l'autre). J'avais à peine onze ans et mai 68 pour moi, a signifié la "fête des prix" en fin d'année de CM2 , dans ma petite école communale, sacrifiée! Mes instits "faisaient 1968"! J'étais très déçue!!!
Sans doute ai-je eu la chance d'avoir des profs, tout au long de ma scolarité au lycée, sinon "révolutionnaires" du moins ouverts. J'ai connu souvent l'ennui, jamais le mépris. J'ai connu aussi de très grands profs attentifs et innovants. J'ai d'ailleurs choisi le professorat: c'est dans les classes prépas de Normale Sup que ça s'est gâté. J'ai mal supporté, je me suis tirée... à la fac où ma foi, là, je n'ai effectivement connu que deux profs vraiment géniaux.
Certifiée , j'ai commencé ma carrière dans un collège ZEP (formidable!) de Caen au début des années 80 et depuis, après un arrêt de 17 ans où j'ai connu la dure loi des entreprises, j'ai repris mon cartable avec le même enthousiasme. J'adore mon métier: certes j'ai appris bien des choses pendant mes études qui ne m'ont jamais "servi" à rien (ainsi je n'ai jamais enseigné le grec!) mais j'ai travaillé en équipe, et j'y travaille encore aujourd'hui.Et rien de tel pour se remettre en question, être créateur, avoir un projet pour les gosses et... APPRENDRE.
Non, moi ça ne me pose aucun problème d'enseigner ce qu'est un groupe nominal ou d'apprendre à des mômes,en 6ème, qui n'ont jamais appris les fondamentaux, que la phrase commence par une majuscule et finit par un point. Cela ne m'empêche pas non plus par ailleurs de demander aux mêmes d'inventer une nouvelle épreuve qu'aurait eu à surmonter Ulysse (beaucoup de réussite, car les élèves adorent écrire!)ou à des 3ème d'écrire des réquisitoires à déclamer après avoir étudié "Claude Gueux", alors qu'en commençant la séquence, ils savaient à peine qui était ce Victor Hugo et trouvait le sujet "ringard". La vie est dure, les familles complètement "décadrées", les conditions d'exercice demandent chaque jour une forme olympique: mais il faut bien qu'il y ait des gugusses comme nous (même agrégés, j'oserais même dire surtout agrégés... les plus qualifiés non?) pour oeuvrer à refaire de l'école un ascenseur social! De l'utopie peut-être? Sans doute, mais... l'école, quoi qu'on en dise reste la seule chance pour beaucoup trop d'enfants et si tous les enseignants désertent le collège ou crachent dessus, les bancs de l'université et des grandes écoles redeviendront (comme c'est même déjà le cas, la chasse gardée d'une partie de la population qui, finalement, n'a pas besoin de profs...). J'ai sans doute eu la chance de naître à la bonne époque! Rires...

Flocon a dit…

A la Pérec: Oh une Revenente!

Bonjour Merbel :-)

Au premier regard j'ai pensé que Michel Onfray me rendait visite (petite ville normande, 6ème à 11 ans en 1968 donc né en 1959 tout semblait correspondre) et puis le e de je suis entrée en 6ème ma fait penser à Georges Pérec.

"J'ai connu souvent l'ennui, jamais le mépris."
J'ai goûté aux deux...

"la fac où ma foi, là, je n'ai effectivement connu que deux profs vraiment géniaux."

Ayant passé 4 ans en droit, ce n'est guère le lieu de rencontrer des profs géniaux, la matière n'étant pas exactement rock'n roll.

En philo (1 an par le jeu des équivalences, ce n'est pas sérieux mais bon, on en profite puisque c'est possible) les profs étaient effectivement plus intéressants qu'en droit, il n'y a pas photo.


"j'ai commencé ma carrière dans un collège ZEP (formidable!) de Caen au début des années 80"
1959, Normandie, Caen j'ai trouvé: vous êtes la compagne de Michel Onfray! ;-)

"l'école, quoi qu'on en dise reste la seule chance pour beaucoup trop d'enfants"

Bien d'accord avec vous. j'ai toujours considéré que c'est l'Éducation nationale en tant que structure lourde et pesante qui m'a sauvé du naufrage social. Pas les profs auxquels d'ailleurs je n'en veux pas particulièrement (tout cela a plus de 40 ans) et qui doivent affronter 35 cas particuliers dans chaque classe.

Je pense surtout aux gamins/gamines qui portent souvent tout le poids du monde sur leurs petites épaules et auxquels on en rajoute dans l'institution scolaire. Quelle misère!

Curieux que vous soyez passée ces jours-ci quand j'ai commis un billet sur le thème de la pédagogie il y a quelques jours avec les commentaires d'un ancien prof de maths.

Et demain je reviens sur le métier avec un billet sur ce même thème (éducation, mathématiques et peine de mort -rien que ça!)

A vous lire...

merbel a dit…

Onfray? Je pousse des cris d'effraie!
Bizarre de démolir Freud à l'heure où huit millions de personnes souffrent dans notre pays de problèmes "psy" en tout genre, et où on laisse la psychiatrie dans un état de délabrement aigü. C'est le roi de la cuisine média notre petit Michel...

Flocon a dit…

Concernant Onfray je commence à l'appréhender sous une autre lumière effectivement. J'avais entendu quelques unes de ses conférences à l'Université populaire de Caen et je trouvais ça passionnant. On ne peut, je crois, lui ôter un talent certain de pédagogue.

Du coup j'ai lu 4 de ses titres il y a 2 ans L'art de jouir, La philosophie féroce, Traces de feux furieux et Fééries anatomiques.

Du premier seul je me souviens,j'avais trouvé ça très intelligent, documenté, convainquant, étonnant vraiment.
Des 3 autres il ne me reste rien.

Je n'avais pas manqué tout de même de m'étonner de l'incroyable richesse de sa bibliographie et m'étais déjà persuadé qu'à son âge (le livre était paru il n'avait pas 40 ans) il n'était pas possible qu'il ait tout lu.

Je lui ai "consacré" un billet il y a 2 ans, billet que je n'ai pas conservé (je fais le ménage de temps en temps dans les archives) à l'occasion de la sortie d'un énième opus de notre homme. Je m'étais dit qu'il écrivait plus vite que son ombre ou qu'ils s'y mettaient en famille...

Combien en a-t-il publié depuis 2 ans?

Mais son bouquin (que je n'ai pas lu) sur Freud là ça m'a ouvert les yeux (c'est parfois déplaisant). Qu'est-ce qu'il lui a pris d'enfoncer des portes ouvertes dans une démarche systématiquement négative et destructrice?

Cela commençait sérieusement à sentir le plan média...

Ce qui a marché puisque Libé, Le Monde, le Fig et d'autres ont entretenu le "ramdam" pendant 2 semaines.

Je lisais une réponse d'un psy, je ne sais plus lequel, qui reprenait votre argument vis à vis de la psychiatrie/psychologie.

A savoir qu'il ne connaissait personne qui se fut senti mieux vivre après avoir lu un livre de philo alors qu'un travail sur soi sur des bases freudiennes est plus fructueux et salvateur que toutes les œuvres philosophiques de toute l'humanité (là j'amplifie le propos du monsieur).

Pour avoir pratiqué la psychanalyse et la philosophie (en dilettante amateur bien sûr comme le veut l'intitulé du blog) je peux en témoigner!

merbel a dit…

Contente que nous partagions les mêmes soupçons sur le sieur Onfray.

Puisque vous présentez -je crois- chaque jour un extrait musical, je vous propose ce mouvement d'un quatuor de Schumann que j'écoute en ce moment et qui est réjouissant!
Voici le lien, c'est le site d'un jeune quatuor de très jeunes femmes (à peine 80 ans à elles quatre) que j'ai eu la chance d'entendre récemment.

http://quatuorzaide.com/audio.html

Une fois sur le site vous n'aurez plus qu'à cliquer sur le morceau d'Haydn... Enfin, si ça vous chante!

Flocon a dit…

"Puisque vous présentez -je crois- chaque jour un extrait musical"

Euh... là vous vous emportez Merbel ;-) ce n'est pas tous les jours loin de là.

Il m'a fallu des semaines avant de comprendre comment mettre de la musique sur le blog. Quand on sait c'est facile mais avant... faut chercher.

C'est une question de code HTML à trouver et ensuite à placer là où il faut. Je sais enfin faire pour YouTune et Deezer, j'ai fait maints essais pour Dewplayer, en vain jusqu'à présent.

Je vous remercie de votre lien, je ne connaissais pas ce quatuor de Schumann mais celui de Zemlinsky.

Il se trouve que les quatuors à cordes ont été une grande passion il y a bien des années. J'avais commencé à 20 ans (une autre vie) avec Debussy et Ravel comme il se doit. Vinrent Fauré, Roussel, Milhaud etc. puis Bartok et Chostakovitch et enfin tout le XXème siècle avec Zemlinsky donc).

La période romantique m'est beaucoup plus inconnue, Beethoven, Schubert, Schumann... Une exception pour les deux grands Tchèques Smetana et Dvorak.

Mozart et Haydn il y a de quoi y consacrer des mois; puis Boccherini le fondateur du genre je crois. Allez, un petit détour vers Wiki...

Pour en revenir à votre aimable lien il m'est impossible d'en connaître le code html donc je ne saurais le placer sur le blog.

Cette pièce n'est pas disponible sur YouTube ni sur Deezer. Il faudrait que j'emprunte un CD à la discothèque, que je l'enregistre sur mon ordi et que je place le MP3 résultant sur Dewplayer précisément dont je ne sais pas encore me servir.

Les "conseils" ne manquent pas sur les forums en ligne mais allez y comprendre quelque chose!!!

Un jour, j'espère, j'aurai une illumination. Je sais déjà comment placer le lecteur sur le blog mais quant à le fournir en titres???

Avant Mozart c'était le 2ème mvt du concerto en sol de Ravel par Martha Argerich.

Voici le site officiel de ce quatuor de jeunes filles.

Je vais trouver quelque chose de nouveau.

Encore merci pour ce lien, j'aime particulièrement les extraits de Zemlinsky.

(j'ai fait une faute de calcul précédemment et une faute d'orthographe. Cela arrive souvent.)

merbel a dit…

Oui, le site je le connais! Rires. Désolée de vous créer tous ces soucis. Faites comme vous pouvez. ravie que vous aimiez la musique. C'était juste une participation. Vous connaissez Spotify? On peut écouter beaucoup de musiques, et ce gratuitement avec Spotify Open.

Quant aux "fautes" vous savez... Je suis (assez) indulgente en tant que prof de français et puis moi, je ne parle pas de "fautes" mais d'erreurs. Vous avez eu effectivement des enseignants bien moraux pendant toute votre scolarité!!!!

ZapPow a dit…

Il n'y a qu'un seul crime, c'est de ne pas aimer la musique.
il n'y a qu'un seul péché, c'est de ne pas savoir en jouer.


C'est Halldor Laxness qui a écrit ça, ou queque chose d'approchant, dans "Station atomique", superbe roman qui m'a beaucoup marqué.

ZapPow a dit…

Je n'ai pas trop aimé Zemlinsky. Pas le genre de truc que je fuis, mis je préfère mille fois l'extrait d'Haydn. Mais, comme tu l'as rappelé ailleurs, "De gustibus coloribusque…"

Flocon a dit…

- La citation de Laxness est trop subtile pour être proposée en sujet au bac philo mais elle laisse ouverte la porte à de belles interprétations.

- Pour Zemlinsky et la musique du XXè, c'est un peu comme la peinture depuis Cézanne disons. Il y a l'avant et l'après le figuratif.

Ce que j'aime dans la musique moderne (Lutoslawski, Penderecki, l'école de Vienne etc. c'est la perception que ces musiciens donnent du son comme de la matière véritablement physique. Comme de la pâte ou un quelconque matériau malléable qu'on pourrait tenir en main.

Ici par exemple.

J'aime beaucoup ce genre de musique. C'est sûr, si on n'accroche pas immédiatement soit on laisse de côté soit il faut faire un effort.

Je me souviens à 20 ans écouter avec délices le quatuor à cordes de Debussy que je venais de découvrir et une amie qui me faisait comprendre gentiment que ces crissements de cordes lui étaient insupportables. De gustibus etc.