lundi 5 novembre 2007

Le pauvre type (Portrait 2)



Il se créé un monde fantasmé prétendument encombré d’embûches et d’obstacles, de chausse-trapes, d’hypocrisie et de mensonges de la part des autres qui voudraient lui faire prendre des vessies pour des lanternes mais on ne la lui fait pas à lui… il sait déjouer tous les pièges et, in fine, débusquer la vérité derrière les apparences dont on a voulu user pour le berner. Mais – en a-t-il des ressources…- il ne se laisse pas faire, il ne faut pas le prendre pour un pigeon.
Un monde dont lui, personnage central, parvient toujours à surmonter les difficultés grâce à son extraordinaire envergure intellectuelle, sa force de caractère inaccoutumée et ses exceptionnelles facultés de résolution des situations les plus complexes, les plus troubles… Cela il ne le dit pas bien sûr, mais c’est à chacun d’ainsi le comprendre à la façon dont il se met en scène.
Un monde de petits conflits dont l’enjeu essentiel est, bien sûr, la «reconnaissance» de sa qualité supérieure et la considération de sa personne qu’il attend de l’autre. Mais quand l’autre ne lui accorde pas d’office cette considération dont il est assoiffé, voire même la lui conteste, ce lui est alors l’occasion de déployer tout son arsenal d’immaturité revendicatrice où la naïveté la plus affligeante se mêle à la bêtise la plus consternante.


Un monde d’épreuves dont il sort toujours vainqueur et où il a évidemment toujours le rôle moralement le plus valorisant. Un monde où il sait tenir tête aux uns et aux autres et ne se laisse démonter par quiconque. On n’est pas loin du «Mais je m’suis pas dégonflé alors j’ l’ai regardé droit dans les yeux le mec et j’lui ai dit… » .


Un monde où il ne survient qu’à lui des situations ou des conflits, petits ou grands. Comme s’il le faisait exprès. « Ça n’arrive qu’à toi » a-t-on envie de lui dire. Mais oui, mais oui, puisqu’il a toujours besoin de se mettre en scène quitte à provoquer à tout propos des sujets d’accrochage avec les uns et les autres. Ces aléas de la vie quotidienne sont affectés par lui d’un coefficient multiplicateur qui donne des dimensions déraisonnables à des riens, à proportion de l’importance qu’il a besoin de s’accorder et de se faire valoir aux yeux des autres.

Un monde dans lequel il met régulièrement en place des dispositifs au centre desquels il se situe et dont il complexifie à loisir les tenants et aboutissants, pour se donner la jouissance de dominer sa créature en quelque sorte. Comme il s’expose en permanence, cette jouissance se double du spectacle qu’il donne de son adresse à maîtriser et venir à bout de ses propres dispositifs et des embrouilles qu’il a lui-même installées. Il s’évertue à susciter dans le regard de l’autre approbation et admiration. Aveugle à la commisération, à la consternation ou au désabusement qu’on ne lui manifeste pas ouvertement, il s’illusionne pour de bon en lisant dans les yeux d’autrui ce qui ne s’y trouve nullement mais qu’il a besoin d’interpréter selon ses besoins.

Pov' type va...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Flocon,

Très intéressant ce post !
Nous sommes bien d'accord, il a beaucoup de pauv' types sur terre mais leur seule et unique raison d'exister est l'alimentation quotidienne de leur névrose qu'ils font chèrement payer à leur entourage.
Mais le plus difficile est d'accepter que cette engeance de style "border line" agit d'une manière inconsciente et bien entendu en toute impunité. On peut la comparer à un voyou récidiviste qui détrousse les vieilles dames impuissantes !

Flocon a dit…

Merci de votre intérêt Nénette,

L'idée du billet était de présenter à chacun un "type" que forcément il a dû rencontrer un jour ou l'autre.
Votre commentaire montre bien que vous avez reconnu une figure familière.