mercredi 28 novembre 2007

Être ou avoir été.



«Les aventures de Mr. Pickwick»
m’avaient enthousiasmé quand je les avais lues à 13 ans. 20 ans plus tard, resté sur un si plaisant souvenir, j’avais entrepris de les relire. Hé non, le charme s’était dissipé. Après une cinquantaine de pages je dus reconnaître que je perdrais mon temps à poursuivre et qu’il y avait d’autres textes à découvrir.

Il est beaucoup de livres qui laissent de merveilleux souvenirs, qui donnent l’illusion de pouvoir encore disposer à loisir des mêmes moments d’émerveillement qui nous ont marqués pour toute une vie.

Prolonger et reproduire le plaisir. C’est ce qui m’avait amené à lire 2 fois « les 3 Mousquetaires » à 12 ans. Et nombreux sont les romans dont j’ai fait la découverte « par hasard », ne sachant à l’avance ce qu’ils me réservaient. La conscience de Zeno fut une révélation, et j’ai souvent la tentation de le reprendre, persuadé encore que le parfum qui y était attaché s’y trouve toujours. Ou Berlin Alexanderplatz. Et pourquoi étais-je passionné par le théâtre de Giraudoux à 15 ans?

Combien d’autres en revanche sont à ce point oubliés que parfois je ne sais même plus si je les ai lus. Ou encore dont je n’ai plus le moindre souvenir (The Golden Notebook de Doris Lessing, un parmi des dizaines) si ce n’est qu’ils m’avaient enchanté (L’honorable partie de campagne).

Que de contingences dans nos lectures! En fonction de notre maturité, goût, désir, impatience, curiosité, on passera près de 100 chefs d’œuvre pour quelques uns seulement que nous aurons la chance de faire entrer dans notre univers.

J’avais commencé Don Quichotte à une certaine époque, qu’après une vingtaine de pages j’avais délaissé. Heureusement, j’y suis revenu quelques années plus tard et ce que je considère comme le plus grand roman qui soit ne m’est plus inconnu. Même expérience avec Moby Dick, mais cette fois-ci pas de révélation, ça m’a assez ennuyé (Bartelby est une perle!).

Quant aux Mille et une Nuits… Elles m’ont exaspéré. Ni plus ni moins… Que penser des Belles Endormies? Je n’ai jamais pu finir ce court roman. N’y a-t-il pas par ailleurs, avec les littératures d’Orient (Le dit du GenJi par exemple) une insurmontable difficulté relative aux inaccessibles références culturelles? Sans compter les formes et niveaux de langage…

Cette tentation de relire les romans qui m’ont marqué c’est un peu comme la tentation de revenir sur les lieux de son enfance. A la recherche du temps perdu en quelque sorte mais c’est une aventure sans autre issue que la déception le plus souvent. Relit-on les aventures du Club des 5 voire son premier abécédaire?

Ce qui a été n’est plus et ne sera plus. Les émotions sont attachées à un âge, une expérience, une maturité, un moment de notre vie. Ce sont comme des Contes de la lune vague après la pluie. Gardons nos souvenirs intacts, on sait bien que la nostalgie c’est comme l’opium, ça intoxique

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, c'est dur d'accepter que les souvenirs ne soient plus que des souvenirs, voire de misérables souvenirs. Pourtant, même si on n'en est pas conscient, toutes nos lectures nous parlent encore à travers ce qu'on pense, ce qu'on dit et ce qu'on écrit. La nostalgie n'aurait donc pas de raison d'être ? Mais cette tendance de l'esprit humain n'en a pas besoin, pas plus que sa cousine la mélancolie. C'est comme ça.

Etchdi

Flocon a dit…

"C'est comme ça"
Aujourd'hui, quand Fred Chichin est décédé... Tu ne pouvais pas le savoir pas quand tu as posté ce matin (ou alors l'info a été donnée plus tôt que je ne croyais). Je crois de plus en plus à l'existence de courants trans-temporels qui établissent d'aléatoires et d'invisibles rappports enter les gens et les événements

c'est comme ça


"toutes nos lectures nous parlent encore à travers ce qu'on pense, ce qu'on dit et ce qu'on écrit."
Ce qui nous ramnène à la citation de Jean-Saul Partre d'il y a quelques semaines...
"La somme de ce qu'on n'est (n'a) pas encore etc."

"cette tendance de l'esprit humain n'en a pas besoin, pas plus que sa cousine la mélancolie."
Om l'on atteint un "absolu" qui ne se rapporte à rien d'autre qu'à lui-même. Sauf à sortir de l'état de nature...

J'ai été à la bourre aujourd'hui, Je vais tout de même essayer de terminer la semaine honorablement question billets...
Faut les écrire... ;-)

Anonyme a dit…

Ah, Don Quichotte, quelle oeuvre magnifique.

Quel grand écrivain que Cervantès (dont la vie fut passionnante) malheureusement beaucoup trop ignoré de nos jours, surtout par nos chers "amis" anglo-saxons qui nous bassinent avec Shakespeare et oublient trop ce que le dernier doit au premier.

EYGH

Flocon a dit…

EYGH,
C'est intéressant que vous releviez Shakespeare parce que je me fais régulièrement la remarque que c'est le nom que "tous" les Américains donneront en premier pour illustrer la vigueur, la force, l'universalité de la littérature anglo-saxonne.
Admettons. Sauf qu'il était Anglais de chez Anglais et qu'en la circonstance les Américains se l'approprient généreusement alors même que toute leur histoire et leur identité se fondent sur la distanciation et la différentiation vis-à-vis de Anglais.
Cela rejoint l'échange avec Etchdi sur ce thème du devoir à l'autre et de la nécessaire et impossible prise de distance définitive et émancipatrice.

Flocon a dit…

J'avais aussi beaucoup aimé les Nouvelles exemplaires"