samedi 20 octobre 2007

Généalogie et philatélie (2)


Serait-ce une prémonition de la feuille, qui, à l'automne, avant de tomber, veut identifier la brindille, le rameau, la branche et le tronc enfin dont elle est issue? Comme pour préserver symboliquement la lignée dont elle est à ce jour le dernier rejeton et que le maintien de cette lignée l'inscrit dans une forme d'éternité qui la préservera d'une absolue disparition. 
 N'est-ce pas l'intuition de cette possible castration symbolique qui pousse certains à chercher une espèce d'antidote préventive (ou réparatrice) sous la forme de la recherche généalogique? Comme pour obvier une menace latente ou réparer une secrète blessure? Mais que dévoile cette démarche si ce n'est la recherche du père, la symbolique de l'arbre généalogique étant assez explicite! 
 Dans l'histoire familiale de celui, celle qui s’adonne à la recherche généalogique, cela témoignerait de la perception d'un manque à combler, du besoin de retrouver sa place dans la succession des ancêtres, succession que le père n'est pas à même d'assurer, qu'il a interrompu même. La généalogie n'est pas transmission mais établissement d'un cadre, d'une structure historique virtuelle qui ne dément nullement mais confirme bien, au contraire, que l’absent n'a pas assuré son rôle de transmetteur.

De quoi s'agit-il finalement si ce n'est de reconstituer un système préétabli, d'en identifier les composants et les liaisons? Élaboration purement virtuelle qui consiste en tout et pour tout à:

1° collecter des données minimales -noms et surtout dates- qui viendront prendre place dans une structure identique pour chacun mais que l'on se donne l'illusion de singulariser par des données particulières.

2° à mettre en relation des noms de gens qui se sont toujours ignorés, dont l'existence les uns des autres était inconnue et qui n'a aucune signification si ce n'est de faire apparaître des lignes de structuration d'un ensemble, d'une construction tout artificielle.

(à suivre)


7 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est intéressant. On attend la philatélie.

J'aurais bien vu "Le Chêne de Flagey" en illustration (et puis c'est dans l'air du temps).

L'amateur de généalogie tente-t-il vraiment de se "préserver d'une absolue disparition" par l'établissement d'une lignée où ses descendants trouveront leur trace ?

Mais alors, si leurs descendants agissent de même, les recherches généalogiques de ceux-là ne viendront-ils pas remettre en question la valeur intrinsèque, le "rôle transmetteur" de leur ascendant, de celui-là même qui a dénoncé la carence de son propre père ?

De par cette apparente contradiction, la généalogie serait alors une ultime vanité, la reconnaissance d'un échec récurrent à chaque génération à vouloir se retrouver premier de lignée, à fonder son origine.

Cet amusement désespéré ressemble à bien d'autres. Celui du collectioneur de timbres ?

Etchdi

Flocon a dit…

Oula oula oula!
Quel rythme tu imposes à ce modeste blog Etchdi! ;-)

La philatélie doit apparaître je crois en 3ème livraison. Vu ta saine curiosité, j'ai intérêt à soigner mon affaire... ;-)

Le Chêne de Flagey ornera la 4ème (et dernière) livraison.

Je n'avais pas conçu mon texte dans l'optique d'un amateur de généalogie souhaitant établir une lignée pour ses descendants. Il me semble tout au contraire que le généalogiste amateur est toujours dans une démarche ascendante ("remontante" si tu veux) dont il aime à se représenter comme l'ultime aboutissement.
La généalogie est une initiative tournée vers le passé, non vers l'avenir et les possibles descendants de celui qui se livre aux recherches.

Il ne m'est pas venu à l'esprit que le généalogiste amateur se soucie jamais de ce que ses descendants puissent à leur tour continuer les "recherches" (puisqu'elles sont déjà faites).
En général l'arbre généalogique sérieusement travaillé est fourni clefs en main aux successeurs éventuels.

Ultime vanité et amusement désespéré, oui c'est bien là ce que je veux démontrer. Le questionnement dont tu parlais le premier jour.

PS/ Crois-tu vraiment que les pères et mères se soucient vraiment (ou même s'interrogent) sur ce que seront les arrières petits-enfants de leurs arrières petits-enfants? Un couple doit pouvoir en 3 ou 4 générations se rattacher à une centaine de personnes. Le couple "originaire" lui-même étant à la confluence de milliers et dizaines de milliers d'individus les ayant précédés.
Tout cela est totalement vain et insignifiant (au sens que cela n'a pas de sens).

Anonyme a dit…

"La généalogie est une initiative tournée vers le passé, non vers l'avenir et les possibles descendants de celui qui se livre aux recherches."
C'est possible, mais la généalogie n'est pas qu'une demi-droite. Il y a la notion de lignée, de continuité théoriquement inextinguible du sang et du nom.
Je pense que peu de généalogistes amateurs vont garder pour eux-mêmes le résultat (toujours incomplet, toujours en devenir) de leurs recherches en évitant de le confier (sauf à devoir révéler quelque marque d'infâmie du type violeur ou collabo) à leur progéniture.
Dès lors, on se retrouve dans la position potentielle de l'héritier de l'album de timbres du grand'père que l'on est à même d'enrichir (en pensant aussi à s'enrichir, pour le coup, alors que la découverte d'un nobliau dans ses ancêtres n'offre pas de perspectives sonnantes et trébuchantes, juste de quoi espérer se valoriser aux yeux d'autres aussi vains que soi-même - il en est tant).
Mais j'arrête là, sinon tu vas encore me faire des reproches de vouloir aller plus vite que la musique.

Etchdi

Flocon a dit…

Intéressante représentation spatiale de la généalogie que tu proposes avec l'image de la demi-droite.
Mais je crois que je ne suis pas d'accord parce qu'il me paraît que c'est bien à la demi-droite que les généalogistes s'arrètent.
Il me semble que la plupart des généalogistes amateurs se livrent à ces recherches pour se voir confirmer d'une certaine façon qu'ils sont l'aboutissement d'un processus historique qui"justifie" leur existence.
Sans doute ne gardent-ils pas pour eux le fruits de leurs trouvailles (encore que Madame ne partage pas nécessairement leur passion). Quant aux rejetons (quand il y en a) qui peut assurer que les travaux paternels (la généalogie est surtout affaire masculine. Tiens donc...) les intéressent au point d'entretenir la flamme?

Contrairement à la philatélie qui comporte une dimension pécuniaire (encore que... la collection familiale, ça ne va pas loin question financière) comme tu le dis, il n'en est pas question en matière de généalogie.
De plus, pour reprendre ce dont on parlait avec Jean-Saul Partre the other day, la philatélie est affaire d'avoir, la généalogie affaire d'être.

Anonyme a dit…

"...l'aboutissement d'un processus historique qui"justifie" leur existence."... ou qui, plus prosaïquement est une explication non philosophique de pourquoi ils sont là ; ou plus vaniteusement s'ils n'ont pas un peu de sang bleu à mettre en vitrine.
Tout n'est pas question d'être. Il y a le paraître qui fait une sérieuse concurrence, ces temps-ci.

De plus, confier à son lardon le précieux paquet, parfois pas complètement ficelé, de son antériorité passe pour beaucoup pour une partie du testament, et là on est dans l'avoir.

Etchdi

Anonyme a dit…

ps: j'aurais dû demander "aperçu" du message, je voulais dire l'avoir été mais ça a sauté.

Flocon a dit…

Il est probable que parmi les millions de généalogistes amateurs -oui, ils sont très nombreux- il en est un certain nombre qui sont à la recherche d'un filet de sang bleu mais ils sont, je crois, minoritaires.
On pourrait d'ailleurs comparer les motivations des généalogistes européens et américains. Le sang bleu des américains, leur Graal, serait de discerner nettement leurs origines européennes; il y a matière à billet là...