mardi 30 octobre 2007

Le parano (2) (portrait 1)




Radicale impossibilité du dialogue avec celui qui, inconsciemment, se réclame toujours, qui toujours a recours à une pseudo injustice dont il aurait été victime pour justifier tout ce qu’il sera amené à mettre en œuvre pour prendre sa revanche. Car c’est bien de cela aussi qu’il s’agit: Le ressentiment est son moteur comme l’envie est son essence. Aux phases d’euphorie déréalisantes propres aux mythomanes succèdent de véritables périodes d’élation, quand, provisoirement, rien ne semble plus pouvoir venir en travers de l’accomplissement de leurs délires revendicatifs. Disqualification massive du réel au profit d’une reconstitution fantasmatique selon les besoins de celui qui s’y livre. Cette disqualification entraîne inéluctablement un désinvestissement radical de la réalité en chair et en os des proches avec investissement dans des figures imaginaires, symboliques ou recomposées à façon.

Difficile, voire impossible, quand on ne connaît pas ce processus – quand on en ignore même jusqu’à la possibilité – de concilier le discours que tient le paranoïaque et ce qu’il donne à vivre avec la réalité de son agir avec ses proches.

Accepter de s'engager dans un (pseudo) dialogue avec le paranoïaque c'est très exactement alimenter sa névrose, l'exacerber. Cet "échange" ne peut qu'être antagoniste puisque c'est une réalité contre une autre, la mienne contre la sienne. Toute argumentation contraire à la sienne est nécessairement conflictuelle et, à ses yeux, l'illustration même de ce qui fonde sa position défensive/agressive. Le paranoïaque est ainsi essentiellement constitué qu'il intègre tout ce qui lui est présenté pour le remodeler, le déformer et le retourner contre son interlocuteur. L'économie de la paranoïa consiste à réinjecter dans le circuit tout ce qui se laisse appréhender par assimilation, contiguïté, proximité, similarité forcée etc. C'est une machine à produire de l'irrationnel à partir d'un donné quelconque qui servira de fondement à une élaboration délirante. Première et seule chose à faire: Ne jamais entrer dans cette dynamique perverse qui constitue in fine la jouissance du parano. Sa jouissance au détriment de l'Autre (le grand Autre lacanien...) 

Certes le paranoïaque est malheureux comme la pierre et il trouve là confirmation sans cesse renouvelée de sa vision des choses: il en devient plus malheureux encore, à juste titre. Et ainsi de suite, irrésistible spirale. Mais cet enchaînement infernal nul autre que lui ne l’a mis en place, quoiqu’à son corps défendant. Et quoi que fassent ou ne fassent pas les autres, quoi qu’ils disent ou ne disent pas, tout sera toujours interprété dans un sens unilatéral, négatif et destructeur.

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