Ne se livre à la recherche généalogique que celui qui est à la recherche de quelque chose, d'un manque à combler, d'une lacune à masquer. Derrière la pseudo quête historique n'est-ce pas une famille virtuelle idéale qu'il s'agit de reconstituer pour compenser l'insuffisance d'une famille réelle ou le mal à être que l'on y ressent? Une famille de remplacement en quelque sorte, mais morte, inerte, réifiée et qu'on peut donc contempler comme un bel objet inoffensif. Puisque c'est de famille dont il est question ne s'agit-il pas tout bonnement d'une mesure de réassurance face au Temps? S'inscrire dans un ensemble dont la «richesse» garantira la «solidité», le verrouillage, le contrôle qui donnera l'illusion d'avoir sa place dans un déroulement dont on est la pointe, l'aboutissement chronologique. Un ensemble qui, d'une certaine façon, justifiera jusqu'à mon existence. Derrière la traque de chaque nom, chaque date ne cherche-t-on pas comme la garantie d'une continuité sans faille, une permanence qui viserait à restaurer une unité perdue?
Et ce prétendu travail de mémoire qui n'en est pas un n'est-il pas aussi l'image de l'impasse que représente la recherche généalogique, activité stérile dont le résultat se perd dans les sables tout en donnant et garantissant l'illusion d'avoir œuvré à sa propre consolidation. Et c'est bien ça d'ailleurs: il y a consolidation d'un état du réel et non modification -c'en est même l'antithèse- de son rapport au réel, au temps et aux autres. C'est du bétonnage contrairement au vrai travail de mémoire, l'introspection qui ne vise pas à accumuler et collationner des données mais bien au contraire à les exhumer, à les ranimer afin de leur faire jouer un rôle déstabilisateur dans ma perception/relation au monde.
La généalogie est une absurde nomenclature pleine de signifiants inconnus de celui qui s'y adonne mais qui dévoilent surtout la véritable nature de l'obsessionnel. Ce lui est l'occasion de faire fonctionner à l'infini une mécanique fondée sur le rythme binaire qui reproduit son rapport au réel. Cette jouissance du mécanisme que rien ne vient jamais entraver (2, 4, 8, 16, 32 etc.) la généalogie lui permet de l'étendre dans le temps, lui donnant ainsi l'illusion de maîtriser tant le présent que le passé d'où il est issu. Réassurance métaphysique en quelque sorte, son tableau lui certifiant la validité de son mode de pensée.
3 commentaires:
Voilà donc la boucle bouclée, et la généalogie est bien une virtualité, un alibi, une illusion quant à la propre existence du généalogiste.
C'est peut-être aussi un mensonge, mais là on arrive dans la morale et ses extensions armchair/psycho... ;-)
Pardon, je n'avais pas signé.
Etchdi Clooney (what else?)
Je la verrai comme un exercice de réassurance et une jouissance sur un mode très élaboré mais de même nature au fond que le trainspotting.
On s'assure que tout est en place et à sa place. Que tout l'a toujour été et le sera toujours en vertu du mode binaire qui est la garantie d'infaillibilité de l'élaboration généalogique.
Le trainspotting comme compulsion première et sans fard, basique, vs. la généalogie qui, derrière une façade d'apparence quasi scientifique n'en est pas moins un autre exemple de compulsion, mais beaucoup plus masquée et difficile à identifier en tant que telle.
Merci d'avoir participé au jeu d'autant plus que tu m'as fait venir à l'esprit la notion de rythme binaire qui me paraît essentiel dans l'économie mentale de l'obsessionnel.
Avec le recul il faudrait récrire ce texte (rassure toi, si je devais le faire je ne le mettrais pas en ligne...) pour mieux faire ressortir ce que le concept de binarité a introduit comme nouvel outil permettant une meilleure compréhension de ce que je voulais dire.
Ah... jouissance de l'écriture...
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