dimanche 21 octobre 2007

Démagogie



Parmi les exercices de démagogie dont notre société est prodigue figure le désir de mettre la culture à la portée de tous. Et pour ce faire, une des dernières propositions dans l'air du temps est de rendre gratuit l'accès aux musées.

Cette obsession "démocratisante" n'est pas récente. Dans les années 60, la création des MJC procédait de la même démarche: mettre la culture à la portée des masses, leur faciliter l'accès à ce qui s'apparentait jusqu'alors à l'apanage et au privilège de "l'élite". La question de l'intérêt premier des masses à la culture ne se posait pas ni ne l'avait jamais vraiment été. On avait décidé pour elles.

N'y a t-il pas là déjà une contradiction radicale? Ce qui fait la culture n'est-ce pas ce qui justement la distingue du vulgaire?

Qui se souvient de la construction du théâtre des Amandiers à Nanterre dans les années 60, Nanterre, ville d'immigrés et de travailleurs-soutiers? Il fallait que ce public pût bénéficier des dernières productions de Chéreau ou des Koltes d'alors. Avec pour résultat que c'était les Parisiens, véritable public "naturel", qui devaient prendre le RER et le bus pour se retrouver au milieu de nulle part, véritable topographie Beckettienne, afin de remplir la salle. Quant aux Nanterrois, ben non, on ne les voyait pas au théâtre des Amandiers.

L'argument majeur des tenants de la gratuité des musées est qu'il faut en faciliter l'accès aux plus démunis. Argument économique donc. Les plus démunis qui trouvent toujours 5€ par jour pour s'acheter un paquet de cigarettes ou un billet de la Française des Jeux. Les prétendus plus démunis qui s'achètent un abonnement au PSG.

Vous savez combien ça coûte un abonnement au PSG? Plusieurs centaines d'euros! Le jour où je l'ai appris, il y a quelques semaines seulement, je n'en croyais pas mes yeux!

Je ne retiens pas une seconde l'argument économique non plus que la croyance en un désir latent des masses qui ne demande qu'à être révélé à lui-même.

Ce qui n'a pas de prix n'est pas respecté. Ouvrir toutes grandes les portes des musées à des gens qui n'ont pas l'ombre d'une éducation artistique ni même le goût ni le désir de s'en former une est pure démagogie fondée, une fois encore, sur un brûlant sentiment de culpabilité d'une partie de ceux qui nous gouvernent. Avec pour conséquence l'irrésistible propagation de l'idée térébrante que tout se vaut et que le médiocre et l'insignifiant sont dignes de côtoyer le sublime.

Non seulement l'accès aux musées doit être payant mais en plus je ne suis pas loin de penser qu'il devrait être réservé à la minorité pour laquelle les œuvres ont été créées! Oui à l'élitisme! Mais il faut reconnaître que ce n'est pas facile à mettre en œuvre...

(du nouveau: le Figaro du 23 octobre aborde le sujet.
http://tinyurl.com/2ogu72 )


4 commentaires:

Anonyme a dit…

Décidément, mis à part le commentaire ci-dessus (je n'y suis pour rien, et d'ailleurs j'habite au 2e et dans le 12e), le blog de l'élite porte bien son nom aujourd'hui.

Enfin, il lance un débat, tout de même :"Avec pour conséquence l'irrésistible propagation de l'idée térébrante que tout se vaut et que le médiocre et l'insignifiant sont dignes de cotoyer le sublime"

Voilà une réflexion qui pourrait dater du Salon scandaleux de 1858, si on n'y prenait pas garde. Reste la question : l'entrée du dit Salon était-elle gratuite ?

Etchdi

Flocon a dit…

Ce que je voulais exprimer, tu l'as compris, c'est mon désaccord avec l'argument "économique". Comme si c'était parce qu'il manque 5 ou 10 € que ceux qui ne visitent pas les musées en sont empêchés.

Par ailleurs, as-tu ta carte d'abonné du PSG? Moi pas, je consacre toutes mes économies à visiter les musées...

Anonyme a dit…

Comme carte, je n'ai que la Vitale et la Bleue.
Je n'ai pas d'Orange ni de Mobilo,
Puisque j'ai un vélo.
Je suis malheureusement trop jeune pour la Vermeil, qui me permettrait d'aller dans les musées pour une bouchée de pain.
Car on peut être pauvre et vouloir aller au musée, tout de même.
Les théâtres sont chers et les voyages finissent de me ruiner.

Je n'ai pas non plus de carte du PSG mais je me demande si je ne devrait pas emprunter pour en acheter une quand on voit l'état de transe qu'elle permet d'atteindre pour quelques centaines d'€...

Flocon a dit…

Je suis malheureusement trop jeune
Toi aussi une jour tu voudras être et avoir été...

Le théâtre est cher c'est vrai (il faut payer les acteurs...) mais on est bien d'accord qu'il n'en était pas question dans le billet. Non plus que des voyages.

Il y a toujours des tarifs réduits pour les étudiants (qui trouvent toujours 5€/jour pour leurs paquets de clopes ou je sais combien pour s'offrir le dernier lecteur MP3 de chez Apple), les sans emploi, les familles nombreuses etc. Prétendre que les musées sont chers quand on peut entrer au Petit Palais par exemple pour 6 ou 7 € c'est faire du misérabilisme.

Une place de cinéma coûte quelque chose comme 8€ à présent. A quand la gratuité des places de cinéma? Et les restaurants? ce n'est pas de la culture? ;-)

Anecdote vécue: Il y a une bonne vingtaine d'années j'étais au métro Châtelet quand 2 touristes néerlandais m'ont abordé pour me demander la direction du centre Pompidou. Pas chien, je leur dis qu'à 2 stations de métro ils trouveront ce qu'ils cherchent. En plus c'est ma direction, j'habite à Goncourt.
Les voilà qui montent mais -saisi d'une intuiton- je les suis à distance et m'assieds dans la voiture derrière la leur. Au travers de la glade de séparation je les vois qui demandent confirmation à une vieille femme qui hoche la tête en signe de dénégation.
Scramble, scramble, panique à bord. Mes 2 Hollandais ne font qu'un bond pour sortir de la voiture et se retrouver sur le quai où je les rejoints et les assure que le Centre Pompidou est bien à Rambuteau. Je me propose de les y accompagner pour les laisser enfin au pied dudit Centre.
Moralité: cette femme, vieille parisienne qui utilise qutidiennement cette ligne depuis 30 ans au moins pour rentrer chez elle (Jourdain? Porte des Lilas? Pelleport?) n'avait aucune idée de ce qu'était le centre G. Pompidou ni même sans doute de ce que c'est qu'un musée.
Alors la gratuité...