mercredi 5 décembre 2007

Expansion japonaise, tropisme américain (3).



Dans le même temps où les Japonais épuisent les valeurs occidentales qui les ont ouverts à la modernité, et qui sont à la base même de leur «insolente» réussite, ils se réclament d’une japonité radicalement autre qui les autoriserait, in fine, à s’affranchir pour eux-mêmes des règles qu’ils appliquent aux autres dans leurs rigueur la plus extrême. Comment donner tord à Jacques Calvet (ancien président du groupe PSA) lorsqu’il soutenait: «Il faut leur refuser au nom de leurs principes ce qu’ils nous demandent au nom des nôtres.» ? Et comment imaginer que le Japon puisse un jour être accepté comme primus inter pares par des nations occidentales qui verront toujours au cœur de l’expansionnisme japonais une certaine déloyauté, celle-là même qui avait ulcéré les Américains au lendemain de Pearl Harbor ?

C’est là ce que le Japon peut se voir reconnaître: sa capacité quasi militaire, d’inspiration américaine encore, à envahir le monde de ses produits. Mais ce type de reconnaissance peut-il satisfaire la psyché collective d’un peuple adulte ou n’est-ce pas encore au contraire le propre d’une société immature d’être flattée de se voir reconnaître posséder les plus gros canons? Car de sa culture, de ses fameuses valeurs, il n’est nullement question autrement que comme facteur explicatif de cette réussite. Contrairement à l’imperium américain, qui n’est pas exactement un parangon de vertu économique, les valeurs et la culture japonaises ne sauraient prétendre à l’universalité.

Loin de mettre en valeur leur histoire, leur culture, les Japonais s’achètent des pans entiers de l’American dream: ainsi du rachat de la firme cinématographique Columbia, par SONY, le même SONY qui s’est assuré l’exclusivité des productions de Michael Jackson. Le chef d’orchestre Seiji Ozawa n’interprète que de la musique occidentale. Le sport national est le base-ball imposé par les Américains après 1945. Les jeunes couples se marient en blanc au son du Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn. Noël, fête religieuse chrétienne, est célébrée dans l’Archipel comme dans tout le monde chrétien. Les adolescents nippons enfin, ne rêvent que des Etat-Unis, comme partout ailleurs.

La puissance financière et logistique du Japon est ainsi mise au service d’une culture qui est à l’opposé de la sienne, toute de retenue et d’implicite selon les nippophiles. La culture japonaise s’efface et propage son modèle américain dont elle attend toujours reconnaissance et légitimité. Le mercantilisme triomphant n’aura-t-il donc abouti qu’à accroître la vassalité culturelle de l’archipel nippon vis-à-vis de l’Occident?

Ce qu’on appelle perdre son âme.

Ce qui a conduit Mishima au suicide il y a 37 ans.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Flocon, je trouve ce post médiocre. L'universalisme, la recherche du seul vrai génie initial m'emmerde. C'est vrai que les Grecs ont inventé l'Etre, les idées pures, éternelles et universelles. L'oeuvre qu'ils ont envisagée est immense mais n'est pas exempte de pataquès. On finit par envahir l'Irak ou autre à cause de l'idée démocratique, on se rue dans le monde, on taille et on tue mieux que quiconque.

L'universalisme prétendu des sociétés occidentales n'arrête pas de leur jouer des tours. Il faudrait prendre toutes les règles ou aucune, plus la morale lourdingue et à géométrie variable : de quoi disqualifier Sunzi en moins de cinq minutes. Déloyauté, immaturité, malice, you name it. C'est vrai : "les valeurs et la culture japonaises [et de bien d'autres pays] ne sauraient prétendre à l’universalité". Non, surtout pas ! Ca les embêterait plus qu'autre chose. Cette soi-disant règle d'or transforme ses défenseurs en ignorants ou en "exotes" dont les cas historiques cachaient pas mal de racisme, qui est une déloyauté comme une autre par rapport au genre humain.

En vrac : Sony rachète Columbia (il l'a revendu depuis) ; ont-ils donné l'idée à Vivendi de racheter Universal (revendu depuis aussi) ? Le baseball est un jeu qui a autant de succès en Extr.-Orient que le cricket en Inde, au Pakistan. Le football a débordé l'Angleterre, et le judo a débordé le Japon. Mais un sport n'appartient pas à celui qui l'a inventé, il est à celui qui le pratique le mieux.

Les ados japonais ne rêvent plus tellement des Etats-Unis, et Mishima n'a jamais fait rêver que son "armée" de vingt hommes. C'est le goût des Occidentaux pour l'exotisme qui a plaqué sur lui le Japon "éternel", mais lui-même était un "exote" dans son propre pays. Quand se débarrassera-t-on de l'éternel ?

Etchdi

Flocon a dit…

"je trouve ce post médiocre."
C'est beaucoup demander à l'excellence que d'être quotidiennement à disposition... ;-)

Pour un peu j'oublierais qu'il ne s'agit que d'une page de blog et non de la soutenance d'un partiel à Paris X... Serait-ce le naturel professoral qui a repris le dessus Etchdi?

Il me paraît que ta réaction est d'ordre émotionel plus qu'autre chose parce que tu n'expliques pas en quoi ledit billet est médiocre.
Cela dit, je ne te conteste nullement bien entendu ton appréciation.

Peut-être le mot "universalité" est-il cause d'un malentendu. Tu sembles avoir compris que je lui attachais une valeur positive - ce que tu sembles refuser pour les raisons que tu énonces - et il est vrai que c'est l'interprétation la plus "naturelle". Je n'y avais pas pris garde.

J'aurais peut-être dû dire "mondialisation", "universalité" laissant peut-être entendre que c'est le but ultime et indépassable auquel doit tendre toute la créativité conceptuelle d'une société donnée.

Je n'avais pas pensé à l'armée d'excités entourant Mishima mais je l'avais pris comme exemple d'un certain Japon qui se revendiquait "éternel" justement, peu importe qu'il fût extrêmement populaire ou pas.
Par ailleurs, c'est aussi un écrivain d'une certaine tenue -on n'aime, on n'aime pas- mais il représentait quelque chose que j'avais cru opportun de mettre en relief ici.

Désolé... ;-)

Anonyme a dit…

C'est vrai, j'ai trouvé ce post inhabituellement rempli de clichés, et je me suis peut-être montré un peu véhément, voire professoral (bien que je n'enseigne pas, ni à Paris X ni ailleurs).
Il se trouve que j'ai abandonné les humanités classiques occidentales il y a bien longtemps à cause de la prétention universaliste hors de laquelle point de salut qui suintait de partout. Je pense encore que mon idée était bonne ; elle me fournit des perspective aussi multiples que certaines peintures chinoises. C'est donc un sujet que j'ai à coeur.

Ceci dit j'aime beaucoup l'écrivain Mishima. Mais son idéal de bushido est aussi utile à l'humanité que la Chanson de geste. On est dans la fantasmagorie. C'est du donquichottisme (?) mal embouché...

Etchdi

Flocon a dit…

"j'ai trouvé ce post inhabituellement rempli de clichés"
Ah ben là c'est plus clair... (smile)

"Nemo mortalium omnibus horis sapit"

Curieusement, si tu es allé chez SF, ms.miami a soulevé la même interrogation relativement à la valeur supposée indiscutable de l'universalité.

Encore plus curieusement, il se trouve que c'est sur mon billet ("Close encounter" etc.).

2 billets faisant surgir la même problématique, c'est bizarre non?

Aveu: j'igorais l'existence de ladite problématique. Merci de m'avoir mis au parfum.