lundi 10 décembre 2007

Fiction.



Il est une fiction qui n’a rien de juridique encore qu’elle ne soit utilisée que dans un contexte judiciaire, c’est celui du condamné qui aurait payé sa dette à la société.

C’est une expression populaire, sans aucune valeur « officielle » de quelque sorte que ce soit si ce n’est qu’on ferait facilement remonter son origine à partir de ceux auxquels elle permet de se racheter une virginité morale imaginaire.
 
Rapporter des délits et des crimes au niveau de dettes, c’est établir une relation d’ordre essentiellement économique entre soi et le corps social, toute évaluation de portée morale semblant être non seulement superflue mais bien hors de propos.

C’est là que le bât blesse car on peut contester qu’il soit possible de ne considérer l’engagement d’un individu vis-à-vis de la société que comme une modalité économique sans dimension morale. C’est bien tout le contraire à mon sens.

Et le milieu qui est à l’origine de cette expression le sait parfaitement bien justement qui a eu tout intérêt a faire naître et fructifier pareille fantaisie sémantique calquée sur le concept religieux (Chrétien chez nous) du pardon des offenses et de la rédemption. Ben voyons…

On remarquera l’étymologie du mot « rédemption » (redimere = racheter). Vu l’historicité des concepts, on a une idée de l’importance de la dimension économique dans l’appréciation de la conduite des hommes il y a 25 siècles. 

Je conteste qu’on puisse établir un parallèle entre certains crimes et des dettes qui seraient extinguibles à terme. Il est des dettes irrémissibles parce que précisément ce ne sont pas des dettes. 

Il est des crimes dont l’abomination est telle qu’ils ne peuvent être que le fait de démons. Ceux qui s’en sont rendus responsables se sont exclus d’eux-mêmes de la communauté des hommes, sans retour possible. L’inhumanité de certaines horreurs dont on perçoit parfois les échos est à ce point insoutenable qu’il n’est pas possible d’accepter que ceux qui s’en sont rendus coupables puissent un jour réintégrer la communauté comme si de rien n’était, parce qu’ ils auraient prétendument payé leur dette à la société.

C’est véritablement être en proie au Malin que d’avoir encore la faiblesse de croire que tout individu est récupérable, qu’il y a une parcelle du Divin en lui.

Quand on est jeune, on a souvent, je crois, le sentiment que les peines prononcées sont très lourdes. Que tel ou tel assassin se voit enfermé 20, 25 ou 30 ans pour un meurtre peut faire croire à la trop grande sévérité du système. Peut-être précisément parce qu’on est jeune et qu’on a -croit-on- toute la vie devant soi, le rapport au temps certainement n’est pas le même. Et puis n’est-ce pas aussi faire preuve d’une certaine inhumanité, à tout le moins d’un certain manque d’humanité, que de penser d’abord à celui qui à présent paraît être la victime alors que la première et vraie victime elle, est morte, dans parfois d’affreuses circonstances? Sans parler même de ses proches?

Sur ce point aussi j’ai évolué (pourquoi aurait-on définitivement raison à 25 ans?) et je ne supporte plus l’idée que d’infinis salopards puissent se retrouver à la terrasse d’un café avec des copains en train de descendre quelques petites bières en se remémorant le bon vieux temps jadis (il y a 15, 20 ans) où l’un d’entre eux avait violé puis égorgé une gamine ou torturé un enfant etc. Lire certains comptes-rendus de Cours d’Assises donne la nausée… Il avait 23 ans, il en a 45 et la vie continue tranquille…

C’est une insulte quotidienne à la mémoire des disparus, de leurs proches, des témoins que nous sommes tous, de la société dans son ensemble.

Influence catholique inexistante dans le monde anglo-saxon qui permet l’enfermement à vie d’individus chez lesquels il serait vain et même pervers de rechercher encore quelque trace de l’empreinte divine. Peut-être y en a-t-il eu une, elle a disparu, Satan s’en est emparée. Qu’il la garde!
Les croyants acceptent et soutiennent le principe du libre arbitre (je n’en crois pas un mot). Hé bien, puisque le pseudo libre arbitre a amené certains à s’affranchir de leur liens avec les autres hommes, qu’ils en assument les conséquences à présent.

("Figure with meat" de Francis Bacon)

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