mardi 4 décembre 2007

Expansion japonaise, tropisme américain (2).


… à une impossible reconnaissance.


Dans un ouvrage très référencé L’étreinte du samouraï, le défi japonais ») Dominique Nora ne manque pas de souligner que les dirigeants nippons ont violé tous les principes du capitalisme libéral défini par Adam Smith et appliqués par Washington ; ils ont opté, à l’abri de frontières fermées, pour « la main de fer du dirigisme », ce que Aiko Morita, fondateur de leur multi nationale SONY, reconnaît sans détour dans son ouvrage, « A Japan that can say yes ».

Même si les qualités manufacturières japonaises sont indiscutables, même si leur sens infaillible de la détection de nouveaux marchés et de la production de nouveaux produits est hors du commun, comment peut-on croire que leur avènement au niveau mondial aurait été à ce point massif et irrésistible s’ils avaient dû agir dans le cadre des contraintes et de la réciprocité que supposent les théories classiques du libre-échangisme ? Assurer son expansion intérieure en s’appuyant sur un marché intérieur captif (120 millions d’habitants) fermé à la concurrence et en disposer de telle sorte qu’il finance la croissance externe par un niveau des prix peut-être les plus élevés du monde, n’est-ce pas fausser de façon décisive les règles d’un jeu où les autres, dès lors, ne peuvent être que perdants ?

Là où les dirigeants américains ne veulent pas même entendre parler de politique industrielle, les Japonais ont, depuis l’ouverture à l’Occident, obéi à une politique concertée et éminemment cohérente de focalisation de ’appareil d’État vers un seul objectif : le développement orchestré de toutes les forces économiques de l’Archipel en vue de promouvoir une assise planétaire au pays. Le colbertisme français fait pâle figure au regard de ce dirigisme implacable, via le MITI (Ministry of International Trade and Industry). que l’extrême dispersion des centres de pouvoir et de décision rend difficilement appréhendable à l’aune des méthodes occidentales d’appréciation. Sans nul doute les occidentaux privilégient-ils le rendement à court terme et l’individualisme sans mesure. Nul doute qu’à l’inverse, l’éducation des Japonais et leur histoire insulaire et obsidionale, font de chacun d’eux un acteur au service d’une seule cause : le renforcement de la machine économique.

A ce titre, la Nation est bien le fondement indéracinable de toute identité culturelle, fût-elle économique. On retrouve bien là l’essence même du clivage Orient-Occident, « La tentation de l’Occident » dont parlait Malraux : la dimension culturelle.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ton histoire date un peu mais c'est vrai, la notion de "Japan Inc." a longtemps été tacitement acceptée par toute la nation japonaise.

Moins maintenant, à cause de la mondialisation et de la remise en cause de l'emploi à vie. Plus qu'une remise en cause de la part des employeurs, en fait : beaucoup de jeunes Japonais en âge de travailler préfèrent les "petits boulots", ce qui prend, ajouté au vieillisemeent et au non-renouvellement de la population, des allures de problème national n°1.

Le Japon est moins insulaire qu'avant, moins solidaire ; le continent fait moins peur, même si les immigrants Iraniens, Africains ou autres inspirent toujours quelque méfiance.

L'ensemble de la population garde son côté industrieux, parce que les gens ont toujours du mal à ne rien faire ou plutôt à ne rien organiser. Ils détestent l'improvisation (tout en étant parfois admiratifs du sens de l'improvisation des Français !). On observe quand même que les loisirs individuels sont plus importants et prennent le pas sur les loisirs collectifs.

Bref, je ne suis pas sûr que le mot "clivage" façon Malraux ou Kipling soit toujours d'actualité. Il y a bien sûr des différences (et tant mieux...)

Etchdi

Flocon a dit…

"Ton histoire date un peu"

Bien vu, merci de l'actualiser... ;-)

"je ne suis pas sûr que le mot "clivage" façon Malraux ou Kipling soit toujours d'actualité."

Nous sommes bien d'accord: De l'eau a coulé (beaucoup d'eau même) depuis les années 20... L'Extrême Orient n'est plus cet inaccessible et incompréhensible "autre bout du monde", comme un autre côté du miroir de nous-mêmes.