mercredi 16 février 2011

Morphologie

Par l'entremise de nos sens, c'est le cerveau qui en développant la raison, nous a permis de devenir miroir de nous-mêmes et du monde qui vient s'y réfléchir. La plupart des animaux pourtant, et pas seulement les mammifères, sont dotés des mêmes organes que nous et notamment d'un cerveau, souvent de même taille voire plus imposant que le nôtre.

Pourquoi la raison est-elle apparue et s'est-elle développée à ce point chez l'homme uniquement est une question qui en amène une autre : Aurait-il pu en être autrement et la raison aurait-elle pu émerger chez d'autres espèces animales?

C'est un peu ce qu'imaginait Jonathan Swift dans son quatrième voyage de Gulliver, Au pays des Houyhnhnm, où les chevaux sont les maîtres de la terre et se servent des Yahoos comme nous le faisons des animaux.

Plus récemment, Pierre Boule avait imaginé l'hypothèse d'une planète où régnaient les singes dont l'intelligence était comparable à celles des hommes qu'ils maintenaient prisonniers.

Il y a d'autres exemples dans l'histoire de la littérature mondiale de cette inversion des rôles mais tous se placent d'un point de vue moral dont la visée est de relativiser nos certitudes d'être au centre de l'univers, comme d'en être les créatures les plus abouties.

Il s'agit là d'une critique implicite de ce que l'on appelle la téléologie théiste qui voudrait que  l'homme soit le parachèvement de la création divine et qu'il ne puisse y en avoir d'autre, l'homme étant fait à l'image de Dieu. On retrouve l'écho de cette ancienne croyance dans les élucubrations créationnistes des conservateurs chrétiens contemporains aux États-Unis. 

Laissons de côté cet aspect critique des relations hommes animaux pour en revenir au cerveau des animaux. En libérant les membres supérieurs de la contrainte où sont les autres animaux de tenir la tête près du sol, la verticalité a permis aux singes puis à l'homo sapiens d'étreindre la terre ce qui a nécessité le développement de l'intelligence puis de la raison.

A la fois hasard et nécessité, c’est à leur morphologie que les hominidés doivent d’avoir pu prendre conscience d’eux-mêmes et du monde.

Les éléphants comme les baleines ou les dauphins, les oiseaux ou les reptiles n’ont pas eu besoin de développer les virtualités de leurs cerveaux : qu’en auraient-ils fait avec la morphologie qui est la leur ?

Il n’empêche, l’organe cerveau est fondamentalement le même d’une espèce animale à l’autre comme le sont le cœur, les reins etc. chez les vertébrés.

Les cerveaux des animaux, en auraient-ils eu la possibilité, seraient parvenus aux mêmes résultats que nous à partir de l'observation du cosmos. Les lois physiques -qui sont universelles- auraient été à l'origine des mathématiques qui ne sont apparues chez nous que par le hasard du développement biologique qui  nous a amenés là où nous sommes. 

Il s'en est fallu d'un gène, de quelques molécules dans l'A.D.N d'une espèce animale donnée, pour que l'homo sapiens se distingue des autres singes et développe ses virtualités dont la Raison n'était pas la finalité comme le voudrait une lecture religieuse.

L'univers parvenant à la conscience de lui-même par les éléments physico-chimiques dont il est composé, cela n'est finalement pas surprenant, l'infiniment grand se retrouvant dans l'infiniment petit dont il est issu.


8 commentaires:

Anonyme a dit…

Things keep changing this morning. I heard some Steve Roach and saw something about Tocqueville's Democracy in America being read by a jeune homme in Paris. Now we have some Oliver Swift quote to contemplate. ;)

Anonyme a dit…

Steve Roach is still here though. This music puts me in such a relaxed state of mind.

Ned Ludd a dit…

I spoke of humans and neanderthals earlier and now I found this article by Marylèee Patou-Mathis at Rue 89:

"De leur côté, les paléoanthropologues américains ont conclu que les dents exhumées sont plutôt néandertaliennes, et la calotte crânienne plutôt Sapiens. Les généticiens ont prouvé l'an dernier qu'il y avait entre 1% et 4% de gènes néandertaliens chez les Eurasiatiques actuels et que le croisement entre des Néandertaliens et des Sapiens avait eu lieu, il y a 50 ou 60 000 ans, probablement en Anatolie."

...

"Ce qui est passionnant dans notre métier, c'est qu'une découverte peut susciter un nouveau questionnement ; en recherche, le doute doit être permanent. En ce sens, notre discipline est à rapprocher du travail des astrophysiciens sur les origines de l'univers. Rien n'est fixé ou linéaire, l'évolution humaine est buissonnante, tant d'un point de vue biologique que culturelle. L'Histoire est faite d'allers et retours."

http://www.rue89.com/entretien/2011/02/13/une-specialiste-de-neandertal-pessimiste-sur-notre-avenir-190193

Her reflections at the end are also very interesting.

Flocon a dit…

Merci du lien Nedd, maintenant il faut vraiment que je l'écrive ce billet...

Le paragraphe que tu cites, avec la comparaison entre archéologie et astrophysique, ouvre des portes à la rêverie poétique à la Bachelard.

"L'Histoire est faite d'allers et retours."

Qu'en aurait dit Hegel? Et Marx plus encore? La flèche du temps ne s'applique-t-elle pas à l'humanité?

Les allers et retours dont il est question laisseraient penser qu'au fond nous faisons du sur place alors que ce qu'elle dit évoque la dialectique hégélienne.

C'est étonnant comme tout se tient.

Christine a dit…

Il s'agit là d'une critique implicite de ce que l'on appelle la théologie théiste qui voudrait que l'homme soit le parachèvement de la création divine et qu'il ne puisse y en avoir d'autre, l'homme étant fait à l'image de Dieu.

Voltaire dans le conte philosophique, Micromégas, remet effectivement l'homme à sa place... qui n'est pas au centre. Pourtant, Voltaire ne remet pas en cause pour autant la théologie théiste, contrairement à Nietzsche qui admirait par ailleurs beaucoup Voltaire; il lui a même emprunté certains de ses écrits philosophiques... Nietzche était bien plus tourmenté que Voltaire, de fait: pour le philosophe allemand tout est à reconstruire!

Christine a dit…

Pourquoi la raison est-elle apparue et s'est-elle développée à ce point chez l'homme uniquement est une question qui en amène une autre : Aurait-il pu en être autrement et la raison aurait-elle pu émerger chez d'autres espèces animales?.

Toujours au sujet de Voltaire, qui est l'un de mes auteurs préférés, il est sûr qu'il aurait pu faire causer Monsieur Leibniz, dont il s'est tant moqué dans Candide.
L'Optimisme de ce philosophe aurait sûrement trouvé des raisons dans la taille de la boîte crânienne ou que sais-je encore!!!!

Là où il y a de la gêne, il y a un accent circonflexe sur le e!
Là où il y a de le gène (ahahah! de l'Eugène), il n'y a pas de flexe sur le e. Eugène ne sourcille jamais!^^^^^^

Flocon a dit…

Christine,

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet construit de bric et de broc et dont la conclusion part en eau de boudin. Je n'en suis pas content grrr...

Votre intervention est d'autant mieux venue que je m'aperçois avoir écrit théologie quand il s'agissait de téléologie. Plus la gêne et le gène...

Décidément il ne voulait pas venir ce texte.

J'ai un très lointain souvenir de Micromégas. Il se promène dans l'espace non? Et rencontre un géant? Je vais passer la soirée sur Wiki...

C'est dans la théodicée de Leibnitz que Voltaire a trouvé matière à ridiculiser le prétendu optimisme de l'Allemand. Avec une parfaite mauvaise foi d'ailleurs.

Sa satire se fonde sur le bon sens commun alors que la position de Leibnitz est autrement plus subtile. Non pas qu'elle soit acceptable d'ailleurs car il (Leibnitz) ne fait que justifier la position de l'Église sur la question du bien et du mal.

Schopenhauer, qui appréciait particulièrement les moralistes français (y en avait-il d'autres?) des XVII et XVIII, rejoint ici Voltaire mais l'un comme l'autre le font d'un point de vue moral.

Pour Schopenhauer notre monde est le pire qui puisse être, qui n'est que souffrances, douleurs, chagrins et ennui.

L'analyse de Leibnitz peut se lire avec un prisme plus scientifique :
D'un point de vue systémique notre monde est le meilleur des mondes car la moindre modification de son état entraînerait le chaos.

Un peu comme si quelque chose venait à perturber l'orbite de la terre nous serions mal...

On n'est pas obligé de croire Leibnitz non plus remarquez...

Oui, à tous points de vue, Nietzsche était autrement perturbé que Voltaire!!!

Mettons-nous à la place de ce dernier cependant. Comme Descartes un siècle auparavant, remettre en question les dogmes religieux pouvait coûter très, très cher...

Nietzsche au moins n'avait plus à se soucier de cela, la Révolution était passée entre temps...

Flocon a dit…

Je n'ai pas entendu parler du théâtre de Voltaire de façon franchement positive mais votre commentaire me remet en mémoire que j'avais entrepris la lecture de sa correspondance (douze volumes en pléiade s'il vous plaît!) il y a quelques années.

Et j'ai abandonné après une centaine de pages devant l'ampleur du projet :-(

A raison de plusieurs lettres par jour l'homme savait occuper son temps...

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"pour le philosophe allemand tout est à reconstruire!"

Remarquez, ils disent tous ça. De Descartes et son tabula rasa à Kant qui voulait donner à la philosophie un fondement rigoureux à ce qui lui paraissait être un champ de bataille en passant par Spinoza et sa méthode géométrique ou Husserl encore au début du XXè.

Les pointures du genre des ci-dessus se faisant rares, les prétentions sont également revues à la baisse...