mercredi 5 janvier 2011

Le battement d'aile d'un papillon...


Dans la liste des mutilations génitales dressée par L’O.M.S ne se trouve curieusement pas la circoncision. Comme s’il ne s’agissait pas d’une atteinte à l’intégrité corporelle et sexuelle des jeunes garçons, voire des enfants quasi nouveaux-nés.

C’est étonnant je trouve, surtout quand on sait que cette pratique barbare est la marque d’appartenance au Judaïsme telle qu’Abraham l’a pratiquée sur lui-même et son fils et a demandé à ses fidèles d’en faire de même pour sceller l’alliance éternelle entre le peuple juif et son dieu.

Et pourtant ! Y a t-il mutilation plus symbolique de la castration que la circoncision ?  Comment cette atteinte et dégradation du corps et de cet organe qui fait le mâle pourrait-elle ne pas avoir de massives conséquences dans l’inconscient de celui qui la subit en termes de perception de sa propre valeur et de son statut masculin ? Comment cette incomplétude imposée pourrait-elle ne pas être intérieurement vécue non seulement comme une diminution de son être mais même comme une humiliation qui appellera réparation toute sa vie ?

C’est donc une souffrance que le peuple juif s’inflige à lui-même de générations en générations et qui fait à ce point partie de son identité que Spinoza, dans le tractatus philosophicopoliticus, écrit :  
"Le signe de la circoncision me paraît d’une telle conséquence que je le crois capable d’être à lui tout seul le principe de la conservation du peuple juif".

 Si l’on accepte l’hypothèse que la circoncision implique nécessairement des sentiments intériorisés de dévalorisation, de victimisation et de recherche de réparation, on peut alors induire que le peuple juif -dont cette pratique est le marqueur identitaire le plus immédiat- s’est édifié lui-même une identité imprégnée de ces mêmes valeurs qui l’amènent à se présenter aux yeux de tous les autres peuples comme un peuple différent parce que victime, en permanente demande de réparation d’une blessure qu’il s’est lui-même infligée.

Poussons l’hypothèse plus loin, au risque du trop loin. Si l’on considère que notre propre corps est notre territoire, ce qu’il est en effet, dont nous voulons conserver l’intégrité, le protéger de pertes ou en récupérer les espaces absents (que l’on songe aux amputés dont les membres manquants se font toujours sentir), pourquoi ne pas envisager que l’appel deux fois millénaire « L’année prochaine à Jérusalem » puisse se comprendre comme la demande de restitution d’un territoire amputé, métaphore pour un corps mutilé ?

Seulement nous sommes là dans le domaine du symbolique qui vient investir le champ du réel. C’est par une pratique de portée symbolique que le peuple juif s’est ainsi imposé ses valeurs qui tout au long de son histoire l’ont rendu insupportable aux autres peuples par son exceptionnalisme proclamé.

Le réel, c’est à dire en la circonstance tout ce qui n’est pas juif, n’est nullement responsable des désastreuses conséquences qu’a entraîné ce délire identitaire de « peuple élu ».

On sait jusqu’à quel point de violence et d’irrationnel sont capables les personnes qui, à tort ou à raison, s’estiment lésées par les aléas de la vie, par les autres, par ceux qu’ils considèrent comme leurs persécuteurs. 

Considérant ce qu’est la situation contemporaine entre Israël, État artificiel, et toute la région où s’est réalisé le rêve raciste et suprémaciste de Theodor Hertzl, (sans compter la mainmise sur la politique étrangère et même intérieure de la première puissance mondiale, les États-Unis), on peut songer qu’en effet, un battement d’aile de papillon -la circoncision d’un homme il y a 4.000 ans- peut déclencher des tempêtes par delà les siècles.


(Giovanni Bellini - La Circoncision de Jésus)
 

27 commentaires:

Anonyme a dit…

http://www.foregen.org/

Flocon a dit…

Annonce d'un prochain billet à 21h27, publicité d'une clinique américaine de reconstitution du prépuce à 22h02.

Mention est faite du titre d'un tableau de Bellini et les envahisseurs sont là.

Trop forts les services de veille informatique!

merbel a dit…

J'ai ouvert l'image, à l'instant... Mais je n'étais pas seul. Quelques collègues étaient là: heureusement, ils étaient affairés à la photocopieuse qui fait des siennes, ce matin. Ouf! Rires en éclats.

Anonyme a dit…

Mais je n'étais pas seul.

lol

Alors la prochaine billet on va discuter le prépuce des zizis?

Anonyme a dit…

Ah oui. Lorsque Merbel a le 'z' comme lettre du jour, Flocon a voulu ajouter son topic de zed.

zinnia, Zaïde, zizi..

Flocon a dit…

Rhoooooo Anijo!


I know you're not totally unaware of the topic since you translated that song (with english subtitles) in English 3 or 4 years ago...

You innocent you!

Anonyme a dit…

Eh ben, ouai Flocon, chui pas tout à fait ignorante sur ce sujet.

Mais p'têtre Anijo La Innocente saura tout sur le zizi après avoir lu la prochaine billet de Shall We Talk.

The things I learn here! ☺

Flocon a dit…

"Mais p'têtre Anijo La Innocente saura tout sur le zizi après avoir lu la prochaine billet de Shall We Talk."

Hmmm... I bet there isn't much left to be taught to you re this issue...

Anyway, that was just the trailer... As usual the thread will be a surprise (with no willy in sight...)

perbeau a dit…

Anijo,
Si au Z je colle zizi, zigounette, zézette, qu'y vais-je récupérer dans les commentaires? Ce n'est pas que je ne veux pas, parce qu'il y a beaucoup à dire sur tous ces mots formés d'onomatopées et qui ne disent jamais la chose "normalement".

J'étais tellement sous le coup de la surprise ce matin, que j'en ai oublié le "e" à seul! Voilà que je suis un homme maintenant ...

Anonyme a dit…

Vous avez dit papillon ?


http://www.youtube.com/watch?v=IKYqThIboBU

(mélomane)

Anonyme a dit…

J'étais tellement sous le coup de la surprise ce matin, que j'en ai oublié le "e" à seul! Voilà que je suis un homme maintenant ...


Ah bon. Pierre ne sera pas content ! C'est la faute à Flocon que t'es devenu un homme et que j'avais perdu mon innocence.

Bon, y'a mélomane pour élever le niveau de discussion et de la musique avec son Fauré.

Flocon a dit…

Merci mélomane de la suggestion.

Il se trouve que j'ai réinitialisé ma tour il y a 5 jours sans prendre la précaution de sauvegarder mes marque-pages. Du coup j'ai perdu l'adresse du site qui permettait de télécharger les bandes son de Youtube et, avant de le retrouver si jamais j'y parviens, je me sers d'un petit logiciel qui me donne du fil à retordre...

Du coup pour l'instant je ne peux mettre le Papillon en lecture.

En a-t-il écrit des petites pièces Gabriel!

Flocon a dit…

perbeau,

C'est très extraordinaire que vous ayez perdu cette lettre "e" ce matin (comme Pérec et sa Disparition suivie des Revenentes) quand il est question de circoncision.

Comme si vous aussi aviez été victime d'une certaine pratique. Et après que merbel ait perdu quelque chose il lui a fallu le récupérer car il y avait un manque perçu et ressenti.

C'est donc chose faite à présent mais ce qui est extraordinaire c'est cette interversion des genres (grammaticaux) et des sexes (merbel -> perbeau) dans une même séquence.

Qui plus est c'est tout à fait en phase avec le billet à venir, à croire que vous pratiquez les arts divinatoires, la télépathie, l'occultisme et autres facultés paranormales tout à la fois...

Étrange... Méfiance...

merbel a dit…

Oui, méfiez-vous!
Il faudrait vraiment que dans mon abécédaire je fasse un sort à la locution conjonctive "après que" mais il va falloir attendre longtemps...
Tout ça pour dire que cette locution ne supporte pas le subjonctif! On emploie TOUJOURS l'indicatif, donc ici (concordance des temps oblige) "Après que merbel eut perdu..., il lui a fallu..."
Je suis affreuse, je sais mais j'ose vous dire les erreurs car je sais que vous êtes très attaché à la correction de la langue.

Flocon a dit…

"j'ose vous dire les erreurs car je sais que vous êtes très attaché à la correction de la langue."

Tout à fait, tout à fait, j'en redemande même c'est vous dire...

Bon, il va falloir mémoriser cette affaire à présent.

L'essentiel est que vous ayez retrouvé la petite chose qui vous fait femme...

Anonyme a dit…

Agressif : "Moi, monsieur, si j'avais un tel nez
Il faudrait sur-le-champ que je l'amputasse !"

(mélo)

Christine a dit…

Flocon,
Pas le temps de commenter votre billet, mais justement hier soir, j'ai lu un passage dans le dernier roman de Nancy Huston "Infrarouge" traitant précisément de la circoncision; je vous posterai cet extrait dès que je le pourrai. Intéressant.

Christine a dit…

Nancy Huston "Infrarouge"

"Si je n'ai pas épousé Xavier, mon beau connaisseur et collectionneur d'art, c'est parce qu'on n'arrivait pas à se mettre d'accord sur le pénis de notre futur fils. Une de nos pires disputes à ce sujet a éclaté un jour au Louvre. On s'était arrêtés devant un tableau du XVIIè siècle montrant le bébé Jésus entouré de rabbins aux robes tourbillonnantes, dont l'un brandissait un couteau... L'instant d'après, on s'étripait pour savoir s'il fallait circoncire ou non l'enfant qu'on n'avait pas encore conçu. "Non, ai-je dit, pour ma part. Terminée cette barbarie!- Si! a dit Xavier. Pour moi ça symbolise son appartenance au peuple juif.Je veux que mon fils se sente lié à une tradition, à une histoire. Même si d'autres rituels se sont éteints, je tiens à garder au moins celui-là. -Pas question! ai-je rétorqué. Les coutumes évoluent, on n'a pas besoin de les répéter à l'identique. On peut les transformer, voire les bazarder. On a bien cessé de traîner les femmes par les cheveux, de réduire la tête de nos ennemis, d'égorger les boeufs sur l'autel, on peut cesser aussi de mutiler nos gamins, qu'ils soient garçons ou filles. Coupe-toi ce que tu veux, mais personne ne portera atteinte à l'intégrité physique de mon bébé. -On voit bien que tu es américaine! a dit alors Xavier, qui savait à quel point les Canadiens détestent être assimilés à leurs voisins du Sud. Tu as la naïveté niaise des Américains, leur absence de culture, d'histoire, de profondeur - en un mot, leur superficialité, leur arrogante ignorance et, si tu lisais un peu, tu saurais que la circoncision est essentiellement un mesure d'hygiène. Les statistiques montrent que les circoncis sont moins vulnérables que le non-circoncis aux MST." Puis il a ajouté en élevant la voix, faisant se ruer sur nous une demi-douzaine de gardiens guadeloupéens: "C'est fou ce que tu peux être inculte!- Inculte toi-même, ai-je hurlé à mon tour. Tu ne sais pas que, jusqu'à une date récente, cent pour cent des enfants mâles nés en Amérique du Nord étaient circoncis!" Ça n'avait aucune chance de marcher entre nous.

Quelques années plus tard, nouvelle dispute sur le même thème- une seule, mais géante- avec Alioune: "Quelle que soit sa religion, a-t-il tonné, un Africain non circoncis ce n'est pas un humain!" Mais cette fois, j'ai trouvé le bon argument: c'est tout simplement Toussaint, mon fils aîné, qui a protégé son cadet. En effet, comment justifier de circoncire le petit Thierno en laissant son grand frère intact?"

Il y a dans ce récit une illustration de vos propos. Je ne pense pas que vous poussez le bouchon trop loin, notamment en ce qui concerne la "victimisation" , notion qui permet la construction de l'image d'un peuple différent. Du peuple différent à "l'exceptionnalité", il n'y a qu'un pas.

Flocon a dit…

Avez-vous recopié tout cet extrait ou est-il disponible en copier/coller quelque part? Parce que c'est du boulot là.

Merci en tout cas de l'effort.

Nancy Huston connaît évidemment son affaire.

A ma grande surprise, j'ai appris il y a quelques années que la circoncision était une pratique très, très répandue aux US pendant la seconde partie du XXè siècle.

Ma proposition (qui n'a rien d'original ni même de personnel) est que la circoncision est une blessure à l'égo de ceux qui en sont victimes (oui, victimes car c'est une mutilation sexuelle) et qu'elle entraîne une exigence de réparation.

Un certain parallèle entre Israël et les États-Unis que j'ai fait dans un ancien billet trouve avec cette pratique de l'eau à son moulin.

Peuple élu et manifest destiny, c'est assez ressemblant je trouve.

Christine a dit…

Lu avec intérêt l'article sur la Manifest Destiny. Associer cette notion de messianisme à la haute opinion que se fait un peuple de lui-même, c'est pas idiot du tout! Messianisme pragmatique , puisqu'il est associé aujourd'hui à une conquête de territoires qui passe par la spoliatkon, l'occupation... Le terme de messianisme ne manque du reste pas d'humour... noir! Le Messie -s'il y en a eu un- n'a pas encore mis les pieds sur leur terre sacrée.

Oui, j'ai tout recopié! Mais ça n'a rien d'un exploit! D'ailleurs c'est bien le seul passage que j'avais envie de copier, car le roman de Huston m'a un peu déçue. Elle en fait trop et charge la barque!

Pour Essel, j'en ai marre du matraquage médiatique: c'est un très vieux monsieur, voilà un très vieux monsieur qui ne s'indigne pas vraiment dans les medias, d'après ce que j'ai pu constater!
Quelle époque molle!

Flocon a dit…

A propos de Nancy Huston;

Je suis toujours resté très scolaire dans mes lectures, en ce sens que j'ai toujours veillé à ne pas perdre mon temps, mon attention et mon énergie à me disperser dans des textes qui me paraissaient "secondaires".

C'est assez exclusif comme démarche je le sais bien et il y a la certitude de passer à côté de mille et une pépites.

Mais de toutes façons, on passe toujours à côté de quelque chose alors, tant qu'à faire, autant ne pas accroître le risque.

Aucune idée de ce qu'écrivent Amélie Nothomb par exemple ou Michel Houellebecq, Christine Angot et autres.

Le temps que je consacrerais à lire un livre d'eux me paraîtrait du temps perdu pour des lectures plus consistantes, que ce soit la Bhagavad-Gîtâ, Les Travaux et les jours ou la correspondance de Flaubert.

Christine a dit…

On peut faire les deux, Flocon. En même temps que je lisais Huston, j'ai lu Sarrasine de Balzac. J'ai tendance moi aussi à lire des classiques, mais depuis deux ou trois mois, j'ai lu un peu de la production littéraire des ces derniers temps. J'avoue quand même que, hormis deux ou trois titres, je ne retire pas le même plaisir. Lire Balzac après Huston, c'est vertigineux. Je reste une adepte de "La marquise sortit à cinq heures" qui fit symboliquement tant couler d'encre.

Flocon a dit…

"En même temps que je lisais Huston, j'ai lu Sarrasine de Balzac."

J'ai essayé les lectures parallèles mais ça ne fonctionnait pas. Je suis trop binaire. C'est l'un ou c'est l'autre...

De Sarrasine j'avais noté ceci : "Vous me faites à votre goût. Singulière tyrannie! Vous voulez que je ne sois pas moi".

Une thématique qui m'intéressait alors...


La marquise sortit à 5 heures a ses charmes c'est sûr...

A propos de marquise et assimilée, j'avais noté dans la Cousine Bette cette perle :

"A 47 ans passés, la baronne pouvait être préférée à sa fille par les amateurs de couchers de soleil."

Ned Ludd a dit…

Christine, c'est bon d'entendre une nouvelle voix ici, Nancy Husten exagère. Il n'y avait jamais 100% de circoncisions aux Etats-Unis. Peut-étre 70 à 80%, principalement de familles protestants.

Mais dépuis des decennies, le taux descend. De memoire, il me semble d'être autour to 50% aujourd'hui.

Et ce n'est pas seulement pour des pretendu raisons de santé que c'était pratiqué à la fin du 19e. Pour certain religieux, cela a été une manière de décourager la masturbation. Parmi les supporters de cette idée était un certain Kellog, oui, lui qui vendait des ceréales.

Pour beaucoup plus d'information:

Circumcision Information and Resource Center http://www.cirp.org/

Flocon a dit…

Welcome back Ned!

Oui, cent pour cent c'est très exagéré en effet (mais c'est dans un roman...).

Le taux de circoncision aux États-Unis.

En ce qui concerne la circoncision pour prévenir la masturbation c'est ici.

J'étais tombé la-dessus (and Kellog) en préparant le billet. I don't write all of them out of thin air... ;-)


(Also, just in case, Christine is merbel and she now runs her own blog. A literary one)

Anonyme a dit…

ce que je cherchais, merci

Flocon a dit…

Bizarre que je reçoive 2 commentaires anonymes aussi laconiques l'un que l'autre à une heure d'intervalle sur deux de mes blogs.

D'autant plus bizarre que mon compteur qui ne laisse rien passer ne trouve pas trace de ces passages...