vendredi 28 mars 2008

To have and have not



Il y a ceux qui ont le pouvoir -économique, politique- et les autres. Les premiers ne lâcheront jamais rien qui ne leur soit arraché. Cela fait des années (des décennies?) que la France se distingue par des relations au sein du monde du travail strictement confrontationnelles. La presse, les “experts” ne cessent de vanter les mérites de la négociation à l’Allemande, gagnant/gagnant, tout le monde semble en convenir et dans la réalité quotidienne les décideurs français s’arqueboutent en permanence sur leur acquis (eux aussi...) de position/statut pour ne rien céder, quand bien même aucun enjeu économique sérieux n’est en cause. Parce que c’est comme ça! Seule issue possible alors : le conflit qui ne peut être que la grève.

Et c’est perdant/perdant (enfin, pas pour tout le monde non plus, les directions s’en sortent toujours évidemment). Comment s’étonner, ô surprise, que l’entreprise, le patron aient une image détestable en France, d’exploiteurs et de salauds? Serait-ce le résultat du seul discours, de l’extrême gauche au PS, qui aurait infiltré les médias depuis 68?…

- le quotidien de millions de jeunes et leur refus après quelques années de continuer à accepter (jusqu’à quand?) les sacrifices à sens unique au nom de la flexibilité dont la finalité est de ne profiter qu’à ceux qui tirent les ficelles. Les médias américains (entre autres) rivalisent d’ironie sur ces jeunes qui veulent un emploi à vie, qui ne comprennent rien à l’économie moderne, qui refusent la mondialisation qui leur apporteraient pourtant tant de bienfaits, ils sont suicidaires, ils scient la branche sur laquelle ils sont confortablement assis, [en gros ils sont idiots, bonne occasion de se payer du Français pour pas un rond, ça fait toujours plaisir au lecteur américain de base (quelques dizaines de millions tout au plus…)].

Il se trouve que la flexibilité, la mondialisation etc… les Français en connaissent parfaitement les bienfaits et qu’ils n’en veulent pas plus que leur part.

A 30 ans, la majorité des travailleurs a déjà galéré d'un job à l’autre, d’une boîte à l’autre, d’une galère à l’autre, dans des condition financières généralement toutes plus lamentables les unes que les autres. Alors quoi de plus normal que d’oser penser qu’il est peut-être un peu temps de se trouver une place d’où il sera possible de se construire une vie “normale” dans la durée. Recommencer à partir de zéro à 30 ans quand on a déjà quelques années d’activité derrière soi c’est difficile à accepter. Se faire licencier après 40 ans c’est l’assurance de l’ANPE pour des mois voire des années avant de peut-être retrouver quelque chose qui se traduira de toute façon par une perte, tant de revenu que de statut. Au nom de la flexibilité. Se faire licencier après 50 ans, c’est la certitude d’être sorti du monde du travail pour toujours. C’est fini, terminé! Et on s’étonne que les quadras/quinquas soient un tout petit peu inquiets de cette sacro-sainte flexibilité, porteuse de tant d’avenir merveilleux pour ceux qui s’y soumettront…

Faut-il s’étonner également qu’une majorité de “jeunes” ne voient leur avenir que dans la fonction publique? Qu’y a t-il d’illégitime à aspirer à une situation posée, à ne pas accepter d’avoir son avenir en permanence à la merci d’une embardée des circonstances (au profit toujours de quelques uns), de refuser de constamment vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête? Surtout quand chacun sait que tout le monde n’est pas dans le même bateau, il y a la France d’en haut et la France d’en bas… Ceux qui sortent des grandes écoles de commerce, les membres de la mafia des grandes écoles d’ingénieurs pour lesquels la “flexibilité” est toujours porteuse d’un plus, synonyme de progression… et les autres pour lesquels la flexibilité c’est très exactement le contraire (principe des vases communicants, ce que l’un gagne se fait au détriment de l’autre).

La grinçante ironie des commentaires des médias américains est qu’ils font des gorges chaudes de la situation française qui n’est autre que le résultat d’un marché de l’offre et de l’emploi mis en place très précisément par les thuriféraires du modèle américain, à savoir les ESSEC, HEC, Sup de Co, Centrale, Polytechniques, ENA, ENSEAD etc. Mais à la différence des salariés américains, les Français ne se laissent pas faire et ça, ça les agacent les décideurs.

En politique comme ailleurs, the French are different et n’acceptent pas le modèle "américain", aka ultra libéralisme. Et de conclure que c’est de l’arrogance et de l’anti-américanisme et la boucle est bouclée…

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