vendredi 18 mars 2011

Le dhikr d'Antoine Doinel



Comme chacun sait, le dhikr est au cœur même de la pratique soufie. Comme dans toutes les religions, abrahamiques ou pas, il y a des courants mystiques qui tous ont la même visée : l'anéantissement du soi afin de parvenir à la plus grande proximité possible avec le divin.

Dans le soufisme en particulier, c'est par la répétition incessante du nom de Dieu, le constant rappel de sa présence par des exercices très codifiés que les fidèles espèrent se fondre dans la divinité.

Cela me rappelle Baisers volés, le délicat film de Truffaut dans lequel Antoine Doinel est égaré entre ses deux passions, Fabienne Tabard et Christine Darbon. Égaré au point qu'il les nomme compulsivement  l'une après l'autre, dans la même démarche un peu infantile qui amène à croire que nommer les choses a le pouvoir de les faire apparaître ou peut-être de s'en faciliter l'appropriation.

Cependant notre héros sort finalement de sa transe en terminant ses incantations par l'énoncé de son propre nom, Antoine Doinel, ce qui montre son retour au réel et qu'il ne renonce pas à son soi.

L'apparentement peut sembler inattendu entre Antoine Doinel et les Soufis et pourtant j'y vois la même structure mentale en jeu. Plus élaborée certes chez les pratiquants soufis que dans une comédie sentimentale mais foncièrement de même nature.

Si ce n'est bien sûr que dans "le réel" on garde bien son soi et qu'Antoine Doinel n'est pas soufi comme bien l'on pense.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Coucou Flocon, tu profites du bon temps ? Tu me manques, bien que Xtine et les autres. Mais bien sur qu'il faut profiter du printemps aussi doux. On a de la soleil et le ciel est tellement beaux.

Et moi, assis dans mon chaise longue dehors, je lis le livre que Xtine m'avais envoyer, 'Courir' d'Echenoz.

Anonyme a dit…

tellement beaux
tellement beau..

Flocon a dit…

Coucou Anijo ☺

"Tu me manques, bien que Xtine et les autres."

I miss you too petite Américaine...

I guess you meant I miss you as well as Xtine and the others.

It would have translated as Tu me manques ainsi que Xtine etc.

Le printemps aujourd'hui n'était vraiment pas arrivé. Le temps était très gris et humide.

Je connais le nom de Jean Echenoz mais n'ai jamais rien lu de lui. Il a une longue notice sur Wiki as well as Courir.

"le livre que Xtine m'avais envoyer"

The book that Xtine had sent to me?

You sure meant the book that Xtine has sent to me.

I've learned you've changed from winter to summer time last week in the US. We'll have to wait another week in Europe :-(

Anonyme a dit…

You sure meant the book that Xtine has sent to me.

Oof ! Evidement, je n'ai pas perdu cette mauvaise habitude !

Oui, on dirait que c'est déjà l'été.

Cela me fait penser à une chanson que je n'arrive pas à trouver nul place sur Google...

Les paroles à peu près:

C'est l'été, c'est été
Tout le monde est tout doré
On a le coeur léger, c'est les vacances
En tee shirt, en maillot
On se sent bien heureux au bord de l'eau

ZapPow a dit…

La pensée est soufistiquée, et intéressante.

Ce genre de pratique est finalement très répandu, avec les mantras hindouistes ou bouddhistes, les sons de voyelles chez certains autres, et les incantations diverses. mais dans le cas de Doinel, ça ne relèverait pas plutôt de la méthode Coué ? À moins, bien sûr de considérer que Fabienne et Christine sont des incarnations de la divinité (ce qu'un amoureux est tout à fait capable de faire, passion 'étant pas raison).

Flocon a dit…

Soufistiquée... connaissais pas :-D

Oui le rapprochement est un peu capillo-tracté mais j'ai le sentiment qu'il y a une "certaine" similarité cependant.

Ce qui m'a fait venir l'idée c'est le souvenir de cette scène dans laquelle tant Fabienne Tabard que Christine Darbon sont des "déesses" pour Antoine.

("ce qu'un amoureux est tout à fait capable de faire")

Si tu as vu le film peut-être te souviens-tu de la sidération de Doinel vis-à-vis de Madame Tabard dont il dit : C'est une apparition!.

D'ailleurs quand elle se présente chez lui à l'improviste, n'est-ce pas comme une apparition dans la vie du jeune amoureux?

Il peut être conforté dans son idée qu'à force de répéter son nom elle finira par apparaître. Et de fait, son dihkr aura porté ses "fruits"...

Et puis Delphine Seyrig, il est difficile de faire mieux question apparition tout de même non?

Bon, tout cela tongue in cheek évidemment.

Christine a dit…

Je viens d'écrire un long commentaire et Pfffff, il a disparu. J'enrage !

Difficile de réécrire.
J'ai découvert le dhikr à la sortie du film de Tony Gatlif Exils: c'était un dhikr collectif qui finissait par une transe de tous les participants. C'est la scène finale filmée en un long plan séquence de huit minutes, d'après mes souvenirs. Huit minutes qui m'ont paru une éternité. Le parti pris du cinéaste m'a mise mal à l'aise : je me suis retrouvée plongée dans cette incantation lancinante, m'y sentant totalement étrangère et impressionnée que la répétition des mêmes sons puissent produire un tel effet. Je suis sortie un peu exaspérée , je l'avoue: pourtant ces minutes-là passées, je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il y avait dans cette pratique un geste enfantin: celui qui consiste à s'autopersuader , en se répétant mentalement toujours le même mot! D'autre part, cette scène concluait le parcours de retour qu'avait fait un personnage dans le pays de son grand-père, instituteur en Algérie et enterré dans un cimetière de cette ville. L'aboutissement était d'être accepté dans cette "cérémonie" réservée aux happy few comme témoignage de la reconnaissance des Algérois pour ce Français.

Anijo,
Depuis quelques jours l'hiver est de nouveau revenu: il a chassé nos espoirs de vivre à nouveau la douceur de l'air, la lumière du ciel. Heureusement que le jonquilles, crocus, prunus, forsythias et cognassiers du Japon sont là pour nous signifier que le printemps est bien là. En attendant, quel froid, quelles morosité.
Et toi, pendant ce temps-là, tu te prélasses dans une chaise longue et tu ne penses qu'à Courir. Tant mieux, va !
Cette après-midi, je vais aller faire un tour au Salon du Livre ! Les auteurs nordiques y sont fêtés: l'occasion pour moi de découvrir une littérature que je connais peu et de trouver des livres de Laxness (Coucou ZapPow) parce que La Station atomique est un livre épuisé et introuvable dans les médiathèques que je connais...

Flocon a dit…

Christine,

Cela nous est tous arrivé d'écrire un commentaire qui tout d'un coup... pshitt! s'envole dans l'éther. C'est insupportable en effet.

Au cas où vous prévoyez une réponse argumentée (comprendre assez longue) il faut d'abord l'écrire sur word et ensuite la coller dans la fenêtre commentaires.

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"Huit minutes qui m'ont paru une éternité.".

C'est bien le but des pratiquants en effet : s'oublier dans l'ivresse extatique de ce qu'ils perçoivent comme divin.

"m'y sentant totalement étrangère"

C'est sûr que quand on n'est pas dans le trip on reste à quai avec un sentiment d'exclusion voire de rejet. C'est frustrant et peut-être même humiliant.

"Je suis sortie un peu exaspérée "

Cela aurait aussi été ma réaction, c'est dans l'ordre des choses. Exposer des pratiques mystiques à des non mystiques il ne faut guère s'attendre à autre chose.

"il y avait dans cette pratique un geste enfantin: celui qui consiste à s'autopersuader, en se répétant mentalement toujours le même mot!"

C'est ce qui m'a fait venir à l'esprit la scène avec Jean-Pierre Léaud, raison pour laquelle j'ai fait le rapprochement avec le dihkr. Croire que les mots feront survenir le réel relève de la pensée magique.

Cela se rapproche de la méthode Coué dont parle ZapPow.

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"La Station atomique est un livre épuisé et introuvable dans les médiathèques que je connais...

Viendez à Paris, il y a 3 exemplaires disponibles dans les bibliothèques de la ville.

Anonyme a dit…

La premiere fois que j'ai vu ce video, avant que t'avais mi le billet, j'ai pensé à Trouble obsessionnel compulsif. Et puis je me suis dit que tel pensée a éte trop négatif.

Flocon a dit…

"La première fois que j'ai vu ce video, avant que t'avais mi le billet, j'ai pensé à Trouble obsessionnel compulsif."

Oh yes, such behaviour is very close to T.O.C!

Du point de vue des théologies (Chrétiennes, musulmanes ou juives) de telles pratiques sont souvent reconnues (albeit some are not, depending of the schools of thought) comme des démarches d'une grande spiritualité permettant le rapprochement avec Dieu.

D'un point de vue freudien, les religions sont des névroses collectives fondées sur des croyances infantiles qui impliquent des rituels qui relèvent bel et bien de T.O.C.

Ton interprtation était donc tout à fait pertinente.