"Ce que je n'aimerais pas que les autres me fassent, pour rien au monde je ne voudrais le faire aux autres."
Confucius
(Analectes Livre V, 11)
Et aussi :
"Ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse, ne l'inflige pas aux autres"
(Livre XII, 2 et Livre XV, 23)
A dire vrai, on trouve ce type de sentences dans toutes les grandes religions et croyances. Ce qui ne relève au fond que du simple bon sens et s'explique par la nécessité de préserver la survie des sociétés; homo homini lupus comme on sait.
Imbibée de Judéo-christianisme, toute la philosophie occidentale s'en est tenue à ces préceptes pour fonder telle et telle règle de morale. Jusqu'à Kant dont le fameux Impératif catégorique n'est jamais qu'une reprise autrement formulée de la règle première de la morale Chrétienne: "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse."
Toutes ces règles de morale ne sont jamais que des commandements de faire ou de ne pas faire. Il est toujours question au fond de finalité de la morale et des règles qui doivent être observées. Mais que ce soit dans le Confucianisme ou toute autre religion/mode de pensée, jamais n'est étudié le fondement de la morale c'est à dire ce sur quoi repose chez l'homme le sentiment intime de ce qui est moral, indépendamment de ce qui est permis ou interdit par la société dans laquelle il vit.
Le premier je crois, Rousseau a émis l"hypothèse de l'innéité du sentiment moral dans sa célèbre formulation: L'homme est naturellement bon, c'est la société qui le corrompt ce qui lui a valu d'être la risée universelle des générations qui ont suivi.
Rousseau n'a cependant pas écrit que l'homme était entièrement bon et seulement bon mais qu'il y a une origine naturelle au sens moral. La société qui le corrompt n'étant pas un concept ou une entité virtuelle mais bien la réunion des hommes, d'où l'on retombe dans la formule hobbesienne homo homini lupus. Question de survie animale contre les autres animaux que nous sommes.
Certainement, la disposition au Mal l'emporte de beaucoup sur le Bien en nous. Il n'empêche, tous nous portons en nous le sentiment du Bien comme veut l'exprimer Mencius par cette anecdote:
On retrouve chez Rousseau, dans son Discours sur l'inégalité, partie du Contrat social, les mêmes réflexions:
Près d'un siècle plus tard, Schopenhauer, se réclamant pourtant du titre de seul héritier véritable de Kant, après s'être livré à une Critique de la philosophie kantienne (1818), développera dans un essai publié en 1840 sa propre conception de l'origine de la morale (Le fondement de la morale) qui n'est autre que la pitié. Cette même pitié dont parle Rousseau mais cette fois en référence aux Védas qui lui ont révélé la vérité essentielle de la pensée indienne: L'identité de chacun avec autrui, tat twam asi.
Cette pitié, identification à autrui comme fondement de la morale, n'est-elle pas aussi ce qui se manifeste chez tous les mammifères qui savent prendre soin de leurs semblables? hence la vidéo.
Il suffit d'observer les dauphins, les singes, les éléphants et tous les mammifères, voire même les oiseaux, pour se convaincre aisément que chacun s'identifie à chacun comme son double et qu'en chacun, fût-ce en quantité insignifiante, réside de façon naturelle une disposition qui suffit à fonder ce que l'homme nomme moralité.
Même chez le dernier des salauds ou des "monstres" existe cette disposition; ce qui ne l'a pas empêché de commettre des abominations qui le placent hors de la communauté des hommes. Tant cette disposition naturelle est fragile et dépourvue face à la disposition au Mal qui est le propre de l'homme.
C'est le Mal qui règne sur le monde et il est bien plus puissant que notre malheureuse disposition naturelle au Bien qu'étouffe et rend impuissante notre nécessaire cohabitation avec nos semblables.
L'enfer c'est les autres n'est-ce pas?
Rousseau n'a cependant pas écrit que l'homme était entièrement bon et seulement bon mais qu'il y a une origine naturelle au sens moral. La société qui le corrompt n'étant pas un concept ou une entité virtuelle mais bien la réunion des hommes, d'où l'on retombe dans la formule hobbesienne homo homini lupus. Question de survie animale contre les autres animaux que nous sommes.
Certainement, la disposition au Mal l'emporte de beaucoup sur le Bien en nous. Il n'empêche, tous nous portons en nous le sentiment du Bien comme veut l'exprimer Mencius par cette anecdote:
"Tous les hommes ont un cœur compatissant... Supposons qu'un groupe d'hommes aperçoive un enfant qui va tomber dans un puits. Ils éprouvent tous un sentiment de crainte et de compassion. S'ils manifestent ce sentiment de crainte et de compassion, ce n'est pas pour se concilier l'amitié des parents de l'enfant, ni pour s'attirer des éloges de la part de leurs compatriotes et de leurs amis, ni pour ne pas se faire une réputation d'hommes sans cœur.
Cet exemple nous montre que celui-là ne serait pas homme dont le cœur ne connaîtrait pas la compassion, ou n'aurait pas honte de ses fautes et horreur des fautes d'autrui etc. "La compassion est le principe de la bienfaisance"(De l'utilité d'être bon, chap. II, 6)
On retrouve chez Rousseau, dans son Discours sur l'inégalité, partie du Contrat social, les mêmes réflexions:
"Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce; c'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir etc."
Près d'un siècle plus tard, Schopenhauer, se réclamant pourtant du titre de seul héritier véritable de Kant, après s'être livré à une Critique de la philosophie kantienne (1818), développera dans un essai publié en 1840 sa propre conception de l'origine de la morale (Le fondement de la morale) qui n'est autre que la pitié. Cette même pitié dont parle Rousseau mais cette fois en référence aux Védas qui lui ont révélé la vérité essentielle de la pensée indienne: L'identité de chacun avec autrui, tat twam asi.
Cette pitié, identification à autrui comme fondement de la morale, n'est-elle pas aussi ce qui se manifeste chez tous les mammifères qui savent prendre soin de leurs semblables? hence la vidéo.
Il suffit d'observer les dauphins, les singes, les éléphants et tous les mammifères, voire même les oiseaux, pour se convaincre aisément que chacun s'identifie à chacun comme son double et qu'en chacun, fût-ce en quantité insignifiante, réside de façon naturelle une disposition qui suffit à fonder ce que l'homme nomme moralité.
Même chez le dernier des salauds ou des "monstres" existe cette disposition; ce qui ne l'a pas empêché de commettre des abominations qui le placent hors de la communauté des hommes. Tant cette disposition naturelle est fragile et dépourvue face à la disposition au Mal qui est le propre de l'homme.
C'est le Mal qui règne sur le monde et il est bien plus puissant que notre malheureuse disposition naturelle au Bien qu'étouffe et rend impuissante notre nécessaire cohabitation avec nos semblables.
L'enfer c'est les autres n'est-ce pas?
6 commentaires:
Food for thought.
Voilà qui donne à réfléchir.
Tiens, je te soumets cet article de Jérémie Rostan, qui, à mon sens, tout agrégé de philosophie qu'il soit, dit une monumentale ânerie. Il parle de la confusion entre éthique et morale, et, si je t'en parle, c'est que je me suis sans cesse posé la question en te lisant : s'agit-il de morale, ou d'éthique ?
Merci de m'avoir dirigé vers ce lien.
Tout d'abord parce que ça m'a donné l'occasion de réapprendre cette balise html
Par ailleurs, comment donc as-tu trouvé cet article???
Quel salmigondis en effet.
Je vois que c'est extrait d'un livre qui affiche ouvertement la couleur...
Pour ce qui concerne la Morale notre homme s'en réfère directement à Kant et son impératif catégorique mais pour l'éthique c'est du néo conservatisme le plus pur.
L'éthique: c'est "la manière dont un individu préfère agir, à un moment donné, parce qu'il juge ses conséquences meilleures que celles de toute autre action possible"
Il n'est plus question de Bien ou de Mal mais uniquement d'intérêt personnel quelle qu'en soit les conséquences pour autrui ou la collectivité. On est en pleine justification de l'individualisme sans retenue.
" l'éthique, c'est-à-dire aux préférences de chaque individu quant à sa propre vie."
Notre agrégé procède par glissements progressifs pour arriver à cette perle:
"la morale étant la même chose que le droit et on continue sur sa lancée pour arriver au clou:
"La morale est donc le devoir qu'a tout individu de respecter toujours la liberté éthique de tout autre. Ou, ce qui est la même chose, elle est le respect de la propriété privée."
Voilà donc où voulait en arriver notre homme: Faire passer la propriété privée comme la valeur ultime que la morale est censée préserver.
De là il dérape de plus en plus pour illustrer son délire par la vente de sang humain!
Je note en passant l'usage de la formule, toujours un peu dédaigneuse:
- pseudo-droit du plus fort,
- pseudo-morale et
- pseudo-droit sur le sang.
Bon je ne m'attarde pas sur ce texte mais je regarde qui est ce type.
La liste de ses publications indique bien à qui on a à faire.
Bon, cela donne aussi une indication de ce qu'est le libertarianisme qui n'est pas exactement de l'anarchisme...
Ce type me fait penser à Denis Kessler que certainement tu connais et qui est un ponte du MEDEF tout en ayant une formation philo (entre autre)
Bon, c'est son droit de suivre son chemin comme c'est le mien de ne pas vraiment respecter son dit cheminement...
Et une faute d'accord, une!
Quelles qu'en soient les conséquences...
Et il y en a certainement d'autres.
Je retombe de temps à autres sur d'anciens billets le rouge au front de voir ce que je suis capable de laisser passer question orthographe, conjugaison etc.
La honte
ZapPow,
Je m'aperçois que je n'ai pas répondu à ta question, me limitant à la lecture du texte auquel tu renvoies.
je me suis sans cesse posé la question en te lisant : s'agit-il de morale, ou d'éthique ?
"En te lisant" se rapporte-t-il à ce billet précisément?
Je ne m'étais pas posé la question... Le titre répond de lui-même mais il est vrai qu'il paraît difficile à présent de distinguer ce qui relève de l'un ou de l'autre.
La distinction éthique/morale est sujet de discussions sans fin. Interprétation contre interprétation.
La plus ancienne distinction dont je me souvienne se fondait sur l'étymologie.
Éthique vient du grec, morale du latin, les 2 se rapportant à la même chose à l'origine. Depuis il y a eu quelque évolution...
Tu peux lire ce bref texte (un parmi des milliers sur ce thème)
En fit, depuis une discussion avec un philosophe qui me disait préférer l'éthique à la morale, car la morale est émotion et l'éthique est raison, je me pose la question chaque fois que je suis confronté à un texte parlant de l'une ou de l'autre.
Merci pour le texte, que je lirai à tête reposée. A+.
Comme quoi chacun voit midi à sa porte.
Je ne sais si on peut "préférer" l'éthique à la morale puisqu'à mon sens elles ne sont pas exclusives l'une de l'autre.
Je comprends la morale comme un ensemble de règles communément partagées par la collectivité alors que l'éthique serait plutôt la mise en œuvre personnelle de telle ou telle norme morale.
Le collectif vs le personnel
La théorie vs la pratique
La raison vs la passion...
Par contre je placerais bien plutôt la passion du côté de l'éthique (ce qui relève du personnel) et la raison du côté de la morale (ce qui relève du collectif).
Mais les sociétés étant d'abord la somme des individus qui la composent plus ce qui en émerge (je ne trouve pas le terme hégélien approprié ici) pour en faire une entité spécifique, les sociétés sont sujettes aux passions au même titre que les individus.
Pour nous préserver des débordements des passions (individuelles par nature) il faut sans cesse se rapporter aux fondements de la morale qui elle ne doit sa légitimité qu'à la raison.
Enfin, je dis ça, je dis rien...
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