vendredi 4 juillet 2008

Mécanismes. Conclusion

Nul besoin pour lui d'actionner simultanément ou successivement l'intégralité de l'arsenal ci-dessus dévoilé. Le plus souvent une seule méthode, deux au maximum, suffisent à décourager l'interlocuteur qui reste confondu et désarmé - c'est tout le but de l'opération - devant une pareille malhonnêteté et un tel mépris de sa personne. Peu lui importe d'ailleurs ce que vous pouvez bien penser de cette façon de « dialoguer », l'essentiel pour lui est que vous n'avez pas eu le dernier mot, qu'il vous a contredit - de quelque manière que ce soit - car c'est sa jouissance en même temps que cela rétablit son équilibre interne menacé par vos assauts et qu'enfin votre dire n'a pas été reconnu donc in fine votre identité a été déniée.

L'inévitable conséquence de la mise en œuvre de tous ces dispositifs est d'entraîner l'interlocuteur à emprunter les mêmes voies d'obstruction, de contestation systématique de ce que dit l'autre. C'est là encore une nouvelle illustration de la contagiosité de la perversion puisque - même de bonne foi au départ -on se trouve par réaction amené à faire sienne la même démarche de rejet du discours qui se fait entendre. De par sa position initiale qui est de refus a priori du discours et de l'identité d'autrui, la moindre conversation peut immédiatement se transformer en duel identitaire où l'un n'a de cesse de voir reconnus ses arguments et son être-là quand l'autre n'a de cesse, lui, de les réfuter, de les rejeter.

S'il est entendu qu'on se pose en s'opposant, dans cette histoire il ne s'agit pas tant d'exister en se différenciant que d'annuler symboliquement l'autre et sa différence. Il n'y a pas acceptation - et encore moins accueil - de cette différence mais volonté, besoin de la réfuter, de la refuser. L'affirmation de son identité se fait au prix de la négation de celle de l'autre. Car sa structure identitaire est à ce point tourmentée qu'il lui est nécessaire de préventivement être à même de détruire l'autre par crainte d'en être détruit. «L'un de nous deux est de trop» pourrait être sa devise relationnelle. Bataille de chiffonnier où tout devient objet d'empoigne symbolique.

Alors même qu'il peut aussi lui arriver de dire des choses dignes d'être retenues, des arguments originaux, inattendus et parfaitement valides, susceptibles d'enrichir l'échange, par le simple fait qu'il n'a cessé de vous rembarrer sur tout et sur rien, vous êtes - bien contre votre gré - dans la situation à votre tour de tout refuser de ce qu'il dit car vous savez bien - c'est le propre des batailles de position - que lâcher un pouce de terrain c'est régresser pour vous enfoncer un peu plus et lui céder un peu de votre capital qu'il utilisera contre vous en y trouvant des raisons supplémentaires de ne pas recevoir vos raisons.

A cette alternative - continuer (en vain) l'affrontement selon ses termes ou s'en remettre (tout aussi vainement) aux règles habituelles de courtoisie et de discussion, il n'est qu'une issue: Rompre le combat en se reprochant de s'être laissé embourbé dans pareilles médiocrités -et ne jamais y revenir. Je comprends bien qu'il ait, lui, plaisir à «discuter» avec moi dans ces conditions et veuille régulièrement en renouveler l'occasion, mais c'est un plaisir solitaire qui en côtoie un autre. Plaisirs solitaires qui sont comme autant de jouissances à la fois complémentaires et rivales. Quoiqu'il en soit, il faut savoir se retirer de ces échanges qui lui apportent sans doute de la distraction comme ils peuvent entretenir son intérêt mais qui maintiennent son interlocuteur depuis trop longtemps dans une humiliante situation où il n'est que représentation d'une représentation de sa personne. Que se dirait-il d'ailleurs si je n'alimentais pas « l'échange »? Rien.

Alors... c'est fini.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"il n'est qu'une issue: Rompre le combat en se reprochant de s'être laissé embourbé dans pareilles médiocrités -et ne jamais y revenir"

Je suis bien d'accord, surtout sur le "jamais y revenir", et c'est pourquoi la solitude peut aussi être un sport de combat - contre soi-même. Mais là au moins personne ne vient vous emmerder pour le plaisir de vous contredire.

Le quant-à-soi deviendrait alors une position de base (pas de repli), qui permet de mieux choisir ses interlocuteurs et d'écarter (d'éviter) plus vite les gens de mauvaise foi ou les amateurs de contradiction à la façon des rhéteurs à la grecque (souvent moins savoureux que les champignons à la grecque).

Il faut toujours être prêt à s'enfuir, parce que la première liberté est de disposer soi-même de son temps ; comme ça on n'a rien à se reprocher. Avoir à se reprocher est mauvais pour le métabolisme.

Etchdi

ps : je connaissais le blog de Noudelmann, j'aime assez.

Flocon a dit…

"personne ne vient vous emmerder pour le plaisir de vous contredire."

Il est de fait qu'il y a des gens qui ne conçoivent la relation à l'autre que conflictuelle. Ils ont besoin de s'opposer pour être. Tu dis blanc, ils répondent noir. Tu dis noir etc.

"mieux choisir ses interlocuteurs et écarter (éviter) plus vite les gens de mauvaise foi ou les amateurs de contradiction"

Le vide se créé rapidement alors... Mais c'est ainsi. Selon son propre parcours, ses aptidudes, ses capacités, ses origines et toutes les conditions qu'on peut imaginer, le chemin vers d'authentiques rencontres est déjà tracé avant même qu'on l'ait parcouru. Hmmm... Déterminisme social.

Il faut trouver un équilibre entre le tout ou rien.

"L'esprit ne saurait se développer au milieu de la solitude, ni avec la compagnie des imbéciles"

Gobineau (Mlle Irnois)

Dans le même esprit, il y a la parabole des porcs épics de Schopi. Ni trop près, ni trop loin des autres.


"Avoir à se reprocher est mauvais pour le métabolisme."

Où l'on retrouve l'esprit de ressentiment de Nietzsche quand il le présente comme une haine destructrice dirigée contre soi-même.