jeudi 22 avril 2010

Inaccessible réel


"Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux" a écrit Pascal. (Fragments des Pensées)


Quand il écrit cela, Pascal nous interroge et nous fait sentir une faiblesse que nous ne savons d'abord identifier. Parce que nous percevons la pertinence de la remarque qui ne peut manquer de s'adresser à chacun. Autrement exprimé, pourquoi nous faut-il donc passer par le biais de la représentation pour -peut-être- être capable de re-connaître le réel?

Il est probable qu'au-delà de la peinture comme figuration permettant d'accéder au réel, Pascal nous reproche d'être incapable de percevoir l'immanence du divin qui nous entoure. Mais, même en laissant de côté cet aspect sans doute essentiel de la préoccupation pascalienne, sa remarque nous révèle une indisputable dialectique: le réel ne nous est accessible le plus souvent que par sa représentation, comme un passage obligé parce que nous sommes incapables de voir, de simplement voir.

Quelle leçon d'humilité de devoir accepter que l'on nous montre ce qu'il y a à voir dans un tableau, qu'on nous le décrive, qu'on nous l'explique car, hormis les connaisseurs, nous ne savons pas lire, nous ne savons pas voir.

il y a là une dynamique constante entre le réel et sa représentation car le tableau est d'autant plus admirable que, devenu lui-même objet réel, il nous est nécessaire de passer par le biais de la représentation de ce qui fut d'abord représentation pour enfin être capable de pleinement l'appréhender en tant qu'objet du réel.

Un œil inexpérimenté saurait-il d'emblée voir la double mèche de suie qui s'éfile au bout de la chandelle de cette Madeleine repentante de G. de la Tour s'il n'y avait été préparé par la contemplation d'une possible reproduction livresque? Verrions-nous la bombure au fond du verre, la mèche qui s'y consume, les livres, la croix, la poignée de chanvre qui figurent à droite du verre?

Sans doute pas car nous sommes incapables de voir le réel. Il nous faut apprendre à voir, toujours, car nous vivons dans un univers d'illusions et de décors. Seule la représentation, car nous l'acceptons "naturellement", nous rend possible l'accession à un autre regard sur nous-mêmes. Encore faut-il que cet exercice de représentation soit maîtrisé. C'est bien connu, c'est un lieu commun, seul l'artiste est capable de nous aider à accéder au réel par sa maîtrise de l'art de la représentation.

Quant à l'immanence du divin...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Flocon,
I have some fellow artists visiting me and I read this article to them, doing my best to translate it correctly.

The first comment from one artist about your article:

"Food for thought. He's not very frivolous. He's a thinker."

This reminds me of a time that I went to the Grand Canyon with a friend. It is not only seemingly ordinary objects whose beauty cannot be perceived by the untrained eye. Even the most spectacular beauty is often missed. This friend of mine did not even see the Grand Canyon. She had her camera and snapped a few pictures and was then ready to leave... incredible...

Flocon a dit…

He's not very frivolous. He's a thinker.

Just scroll down the main (entry?) page to the bottom and tell me about not being frivolous. So much for the thinker...