mardi 29 novembre 2011

Le syndrome "anciens-combattants"


Peu avant de disparaître, le peintre et sculpteur Jean Dubuffet s'était vu confier une commande d’État pour orner le siège social de la régie Renault. Celle-ci ayant élégamment refusé l’œuvre, il s'était agi de lui trouver un emplacement. Le tertre central de la place d'Italie avait été retenu, avec l'accord enthousiaste de son maire de l'époque, Jacques Toubon, féru d'art contemporain. Mais la chose ne fut pas possible, une association d'anciens combattants du XIII s'y étant opposée. Finalement la tour aux figures a été érigée dans l'île Saint Germain, à la sortie ouest de Paris par F. Mitterrand en 1988.

Je m'étais demandé à l'époque de quoi se mêlaient les anciens combattants (dans ce cas particulier il devait en fait y avoir Place d'Italie une plaque en l'honneur des A.C. de la Division Leclerc) et de façon plus générale, pourquoi, chaque fois qu'il était question des A.C., les retrouvait-on du côté le plus réactionnaire et conservateur des débats, quel qu'en soit le sujet. Quel est donc ce syndrome de l'ancien combattant qui le fait se placer systématiquement contre les progressistes en toute matière?

Les anciens combattants -ceux qui se font entendre en tout cas- pour la plupart sont des hommes qui sont sortis des campagnes à 20 ans pour vivre l'aventure de leur vie à ce moment donné de leur existence. Le contexte historique a magnifié leur insignifiante petite vie et leur a donné un sens. A tout jamais, pour la plupart d'entre eux, l'acmé de leur vie se situe à un moment particulier de l'histoire de la collectivité dont ils sont issus et qu'ils représentaient. Plus le temps passe et plus ce moment qui les a vu se révéler à eux-mêmes s'éloigne dans le souvenir de la collectivité. Plus le temps passe et plus il les éloigne de l'exceptionnelle image d'eux-mêmes que les circonstances leur avaient donnée.

Tout "progrès", toute modification du connu au fond, est comme une énième réitération du lent processus qui aboutira inexorablement à leur oubli et à leur disparition. En se manifestant régulièrement contre toute idée de progrès, les AC luttent pour la survie le plus longtemps possible de la représentation de ce qui les fit grands à leurs yeux.

Mais chacun le sait bien, on ne peut pas être et avoir été. Eheu! Fugaces Labuntur Anni! disait déjà Horace.

2 commentaires:

Ned Ludd a dit…

An artist friend of mine, now passed away, made a bronze sculpture ordered by the state of Dreyfus with his broken sword. You can see it in the Jardin des Tuileries, on the Seine side.

The original placement was to have been at the Ecole Militaire, but guess who objected. The artist was better known for his political cartoons in the press under the name of TIM.

Flocon a dit…

Je me souviens très bien des dessins de TIM dans l'Express ainsi que de l'histoire de cette statue.

Je n'ai pas recherché mais je crois que c'est vers 1988 que c'est passée cette histoire du refus du Ministère de la Défense d'accepter d'héberger la statue à l'École militaire.

Léotard devait être le Ministre mais je crois me souvenir que c'est l'État-Major qui a fait ce qu'il fallait.

Mais according to Wiki, the statue no longer stands where it used to.

Here it is.

Alfred Dreyfus statue réalisée par le sculpteur Tim, érigée en juin 1988 au Jardin des Tuilerie, puis transférée en 1994 au square Pierre Lafue, à l'angle de la rue Notre Dame des Champs et du boulevard Raspail, inaugurée le 16 octobre, à l'initiative de Jacques Chirac, alors maire de Paris

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