Troisième figure de la mise en abîme comme méthode de dissolution du discours de l'autre, l'Apprenti sorcier s'apparente à la prolifération cancéreuse. Soit un point que l'on se propose de reprendre, auquel on estime nécessaire de répondre car sa non-élucidation empêche l'avancée du discours. A peine s'y est-on attaché qu'il présente une nouvelle face, il se subdivise, il devient deux. On croyait ne devoir embrasser qu'un point particulier et on a affaire à deux qui eux-mêmes, sitôt qu'on veut les appréhender, découvrent au besoin quatre nouvelles pierres d'achoppement.
Au sein même de ce processus de l'Apprenti sorcier, les deux précédentes méthodes se donnent libre cours pour permettre à la mise en abîme comme procédé global de persévérer dans son être. Le serpent se mort la queue et chacune des trois figures concoure à la mise en œuvre et au renforcement des deux autres. Une réfutation entraîne une nouvelle objection que la technique du zoom a artificiellement extraite d'un point qui ne la contenait a priori pas, ce qui suscite un «argument» factice qui implique une réponse inappropriée car la cible s'est déjà déplacée par application de la cascade, avec apparition de nouveaux points de contention qui n'étaient pas là lors d'un premier passage mais qu'à présent découvre l'Apprenti sorcier.
La vieille règle diviser pour régner se voit ici appliquée: Il n'est pas meilleure tactique pour désarçonner son adversaire que de lui présenter des objections qui, en continu, s'effacent et se reproduisent les unes derrière les autres, chacune engendrant la suivante comme par scissiparité. De même que le personnage de Goethe est dépassé par la démultiplication des forces qu'il a libérées, on est rapidement débordé et submergé par cette incontrôlable efflorescence. Vers où qu'on se tourne en cherchant un point qui serait resté solide pour asseoir sa démonstration et son argumentation, on ne trouve que faux-fuyant, chausse-trape et miroir aux alouettes. Inutile alors de continuer à discourir, par identification ma propre parole s'est évaporée à la poursuite d'évanescentes chimères.
Au sein même de ce processus de l'Apprenti sorcier, les deux précédentes méthodes se donnent libre cours pour permettre à la mise en abîme comme procédé global de persévérer dans son être. Le serpent se mort la queue et chacune des trois figures concoure à la mise en œuvre et au renforcement des deux autres. Une réfutation entraîne une nouvelle objection que la technique du zoom a artificiellement extraite d'un point qui ne la contenait a priori pas, ce qui suscite un «argument» factice qui implique une réponse inappropriée car la cible s'est déjà déplacée par application de la cascade, avec apparition de nouveaux points de contention qui n'étaient pas là lors d'un premier passage mais qu'à présent découvre l'Apprenti sorcier.
La vieille règle diviser pour régner se voit ici appliquée: Il n'est pas meilleure tactique pour désarçonner son adversaire que de lui présenter des objections qui, en continu, s'effacent et se reproduisent les unes derrière les autres, chacune engendrant la suivante comme par scissiparité. De même que le personnage de Goethe est dépassé par la démultiplication des forces qu'il a libérées, on est rapidement débordé et submergé par cette incontrôlable efflorescence. Vers où qu'on se tourne en cherchant un point qui serait resté solide pour asseoir sa démonstration et son argumentation, on ne trouve que faux-fuyant, chausse-trape et miroir aux alouettes. Inutile alors de continuer à discourir, par identification ma propre parole s'est évaporée à la poursuite d'évanescentes chimères.
« Il n’y a pas de façon plus parfaite d'annihiler tout discours que de détacher chaque chose de toutes les autres ».
Platon (Le Sophiste 259e)
7 commentaires:
Pas mal non plus, l'apprenti sorcier. Je gage qu'avec la technique du zoom appliquée en cascade pour créer des ruptures, on aura à coup sûr noyé le poisson...
Sarkozy ou tout autre démarcheur commercial a certainement entendu parler (s'il savait lire il parlerait mieux) de ces questions. A moins qu'il s'agisse d'une démarche spontanée, fruit d'une intelligence brute et instinctive mise au service d'une agressivité naturelle : tout le contraire de l'évitisme.
Etchdi
A moins qu'il s'agisse d'une démarche spontanée, fruit d'une intelligence brute et instinctive mise au service d'une agressivité naturelle
Sauf à maîtriser ces mécanismes après des dizaines d'heures d'étude en rhétorique, je crois vraiment qu'il s'agit effectivement d'une intelligence brute et instinctive mise au service d'une agressivité naturelle
Celui qui manie "naturellement" ces mécanismes verbaux, dévoile en fait la perversité agressive de son inconscient.
Quant à l'évitisme, on peut peut-être parler de l'évistisme actif (celui qui élude toute les interrogations et questions) de l'évitisme "passif", celui qui évite de fréquenter le premier.
Dans l'un comme dans l'autre cas il s'agit d'auto-défense au fond.
"Dans l'un comme dans l'autre cas il s'agit d'auto-défense au fond."
Sans doute l'auto-défense est-elle le pivot organisateur de cette morale du quotidien et de l'immédiat.
Je suis tombé par hasard hier soir sur un recueil de petits textes d'Onfray (La puissance d'exister) où il est question, pour expliquer sa vision de l'hédonisme, d'évitement :
L'hédonisme se définit positivement par la recherche du plaisir, mais aussi négativement comme évitement des occasions de déplaisir [...] Il suppose donc un calcul permanent afin d'envisager, dans une situation donnée, les plaisirs escomptés mais aussi les déplaisirs possibles[...] Le plaisir ne se justifie jamais s'il doit se payer du déplaisir de l'autre.
Cette dernière phrase ne se justifiant pas si l'autre en question constitue une menace délibérée ou non.
Ces propos d'Onfray me plaisent assez. Dans un autre registre, j'en viens à me demander s'il ne pourrait pas écrire de bons polars.
Etchdi
Ce que dit Michel Onfray dans ce texte me semble être une reprise d'un thème épicurien enseigné il y a... longtemps.
Shopi a repris lui aussi cette thématique dans ses "aphorismes sur la sagesse dans la vie" extraits des Parega et Paralipomena (1851) où il développe le concept d'eudémonologie.
Texte facile à lire (ce qui lui apportera la notoriété et fera découvrir son véritable grand oeuvre) mais ne t'y attarde pas si tu as plus intéressant et urgent à lire.
"Dans un autre registre, j'en viens à me demander s'il ne pourrait pas écrire de bons polars."
Sait-on jamais? AlexIs Philonenko, spécialiste de l'idéalisme allemand, a bien écrit des textes sur la boxe et même un essai sur Mohamed Ali (ex Cassius Clay)!
Les "récents commentaires" sont réapparus. Pour qui pourquoi? don't ask...
C'est vrai, il n'y a pas grand chose de nouveau dans ces textes d'Onfray, et il fait autant oeuvre d'historien ou de collecteur que de philosophe ; mais son mérite est de donner en des textes clairs et courts de quoi réfléchir à une praxis de meilleure vie pour des gens qui n'ont gardé en souvenir de la philosophie que ce que les profs de philo ont bien voulu enseigner et, le plus souvent, des phrases à l'emporte-pièce qui ressemblent à des fiches-cuisine pour le bac (ah, les pourceaux d'Epicure ! Et ce pauvre Nietzsche !).
C'est peut-être pour cette raison que je me suis intéressé dès que j'ai pu à des sagesses (ou mouvements vers) moins "occidentales", et ma foi (!) je me demande si je n'ai pas fait une bonne affaire.
Etchdi
ps avec esprit de l'escalier: c'est vrai, les derniers commentaires s'affichent à présent. Insondables mystères...
Ceci m'a permis de voir que le maudit sort t'avait en ligne de mire - le mai le joli mai embarque sur le rein, comme aurait dit l'autre pour l'occasion.
Alors meilleurs souhaits et courage de Morlaisien !
Etchdi
Ne peut-on dire d'Onfray ce qu'on disait de Lacan à savoir que c'était un "passeur" exceptionnel?
Michel Onfray n'est pas un créateur de concepts mais, comme tu dis, un collecteur. Après avoir lu son "Art de jouir" le mois dernier, c'est la première idée qui m'était venue à l'esprit: Grande révision de l'ensemble de la philo occidentale avec rapprochements inattendus de thèmes ou d'auteurs.
C'est un pédagogue né comme on dit, raison pour laquelle il a gardé un très bon souvenir de ses années d'enseignement en lycée technique. C'est aussi ce qui l'a amené à créer l'Université populaire de Caen.
je me suis intéressé dès que j'ai pu à des sagesses (ou mouvements vers) moins "occidentales"
Pas plus tard que cette nuit, il y avait sur LCP un "débat" sur le bouddisme et l'évolution de la société chinoise contemporaine.
Bon, à 1 h je dormais déjà mais j'ai eu le temps d'entendre un des participants rappeller que le bouddisme tendait à un travail intérieur visant à l'amélioration de l'individu et n'était guère concerné par l'évolution de la société dans laquelle ledit individu existait.
Ce qui fait conflit avec l'influence actuelle des idées occidentales, porteuses de notions de droits de l'homme, de démocratie, de libération des tyrannies, de lutte contre l'oppression etc.
A propos de "l'esprit de l'escalier", cela me fait souvenir d'un recueil de nouvelles de Dino Buzzati (???) lu il y a 25 ans qui portait précisément ce titre (en français en tout cas).
J'aimais beaucoup la littérature italienne à l'époque. En particulier Cesare Pavese
Une citation qui pourrait s'appliquer à l'activité "blogguesque":
"Il est beau d'écrire parce que cela réunit les deux joies : parler seul et parler à une foule."
Et une autre pour le thème des "Mécanismes":
"Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer tes faiblesses sans que l'autre s'en serve pour augmenter sa force."
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