vendredi 7 décembre 2007

Formons-nous.



Épreuve d’endurance, (on est dans l’extrême là) : rester une heure devant une chaîne dite « musicale » pour apprendre de quoi est fait le menu quotidien des programmes à destination des « jeunes », banlieue ou pas banlieue.

24h/24 sont diffusées des vidéos servant de support à des « chansons », vidéos dont l’imaginaire est ce qu’on sert comme référence et modèle à une génération de gamins à partir de 10 ans (si tant est même qu’il y ait une limite)

Ne nous arrêtons pas une seconde à la partie « musicale » c’est trop pathétique, trop déprimant.

On peut distinguer au moins 2 catégories: les roucoulades/jérémiades de gamines/gamins de 17 ans qui souffrent (beaucoup, ils sont dans le désespoir parce que leur copain/copine en a regardé un(e) autre. Guimauve et lacryma à volonté. Rien d’original, le sirupeux insipide coule à flots. Rien de bien dangereux ni de transgressif là : c’est nul, rien à garder! Indice : Les chanteurs/chanteuses sont tous métis ou noirs (revendication de la reconnaissance imposée des minorités).

Mais il y a un autre genre dont on sait l’origine gangsta-rap américaine : celui où ne sont présentés que des obèses (mâles) entourés de lianes toutes plus lascives les unes que les autres (au ralenti, toujours) dont l’essentiel de l’activité consiste à frimer en décapotables ultra chromées, en répandant des liasses de Dollars (ou Euros maintenant) par la fenêtre tout en montrant les bouteilles d’alcool qui sont l’indispensable accessoire du chef (pimp), de celui qui a réussi et nous le montre par des poses où la plus extrême vulgarité sert de témoignage de l’origine sociale des protagonistes. 

On n’est pas dans les bonnes manières et on le revendique : c’est l’indéniable exposition d’une origine sociale qui est celle de la rue, le mythe contemporain du terrain d’où émanent la vraie vie, les vraies valeurs viriles et humanistes. La solidarité/fraternité est toujours dans le coup d’ailleurs, mais c’est une lecture assez… perso qui en est faite. En fait, un univers de maquereaux et de filles à dispo. Ça c’est pour le volet respect de la femme.

Accessoire absolument inévitable : nos sympathiques acteurs/chanteurs doivent présenter un visage de brute épaisse, fermé, voire cruel et sans pitié. Ah, on est sans compréhension pour eux et leurs misérables conditions de vie? On va voir ce qu’on va voir alors… On n’oubliera pas de mentionner les armes à feu qui ne manquent pas de vous donner de l’assurance. Ah « ils » (les autres, les salauds) veulent la guerre? On va leur en donner alors…

Autre composant indispensable : le méchant flic, la très vilaine police qui n’est là que pour les pourchasser (pourquoi, on ne sait jamais, ils ne font rien de mal, mais ils sont victimes (sont jeunes, sont noirs, sont autres, bref on n’en veut pas alors ils sont contraints de se réfugier dans un univers à eux, où entre eux ils se comprennent, ils savent qui sont leurs ennemis et pourquoi).

Oui, c’est une épreuve que de se bourrer la tête avec du rap plein tube toute la journée en s'intoxicant collectivement d’une mythologie héroïco-urbaine de victime, ça défonce bien le peu de neurones encore disponibles. Genre “Issu d’un peuple qui a beaucoup souffert, je suis issu d’un peuple qui ne veut plus souffrir” (Tonton David il y a 15 ans). 

A force de vivre dans une mythologie urbaine de minables héroïques qu’ils se créent eux-mêmes, les gosses finissent par y croire à leurs délires de persécutés par la société qui ne sait pas les intégrer etc. A force de s’abrutir de clips vidéos décervelants, de bandes dessinées débiles, d’un univers de violence et de sexisme inimaginables où ils se représentent en victimes innocentes de la barbarie du système et des “possédants”, ils sont radicalement convaincus de la réalité de leurs fantasmes de persécutés. Ça s’appelle de la paranoïa. Et la paranoïa ça peut effectivement déboucher sur des conduites explosives et incendiaires (pour faire le ménage dans son univers de persécuté).

C’est une question essentiellement culturelle au sens le plus large. A force de se persuader qu’ils sont victimes du système, de l’ultra libéralisme, de discrimination etc. ils y croient dur comme fer, ils sont structurés autour d’un noyau paranoïaque qui les rend totalement inaccessibles à toute forme de raisonnement qui ne s’inscrit pas dans leurs à priori misérabilistes, qui n’adhère pas d’emblée au statut de victimes innocentes et exploitées qu’ils ont naturellement d’eux mêmes parce qu’ils se le sont donné! Avec une maturité mentale de gamins de 11 ans sur le qui-vive permanent en attente de toute situation qu’ils sont prêts à rendre immédiatement conflictuelle et qu’ils interprètent alors d’emblée comme une énième illustration de la ségrégation dans laquelle ils s’enferment eux-mêmes, ils créent d’office les conditions de la réalité qu’ils dénoncent.

Quand des gosses ont toute leur vie (ça n’est pas vieux) connu ce genre de représentations qui leur est "imposée" comme projection de la réalité de leur vie et de leur avenir, comment s’étonner de ce qu’à 12 ans déjà ils soient dans la haine de la femme, de la police, de la société, de l’Autre? Et que toute violence leur paraîtra non seulement légitime mais même salvatrice et saine?

Pendant ce temps-là les Sony et autres boîtes de production derrière ces délicates interventions esthético-sociales sur la scène artistique, poursuivent leur bénéfique participation à l’amélioration des conditions environnementales et culturelles des jeunes générations.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je t'admire d'avoir dû te farcir ce genre de clips débiles pour faire ce billet. Perso, je n'ai jamais pu supporter ces conneries plus de trois secondes...
Etchdi

Flocon a dit…

Ach... Kolossal malentendu là!
Suggérer une épreuve d'endurance ne signifie pas que je l'ai fait.
A moi aussi c'est totalement insupportable ces conneries. En plus je ne vais pas perdre une heure (et moins encore) devant ma télé pour ça.
Mais comme j'ai le satellite depuis 15 ans, en montant et descendant les chaînes pour accéder à celles qui peuvent diffuser des programmes intéressants, on ne peut manquer de tomber sur ces clips.
En cumulé, quelques secondes par ci, quelques autres par là, on arrive à se faire une idée...