Yu Minjun est le plus connu des peintres chinois contemporains et aussi celui dont les œuvres se reconnaissent instantanément puisque absolument tous ses personnages arborent en permanence un rictus exacerbé d'irrésistible hilarité.
A ma connaissance il n'a jamais peint de figures féminines, ce qui peut s'interpréter d'au moins deux façons qui ne sont d'ailleurs pas exclusives l'une de l'autre : La distorsion qu'il inflige aux visages masculins, déjà anxiogène telle qu'elle est serait peut-être encore plus insupportable sur un visage féminin et par ailleurs il prend l'homme non pas en tant qu'individu singulier mais au contraire comme représentant générique de l'espèce humaine, c'est-à-dire de notre condition à tous.
Il reprend ici le célèbre portrait du Pape Innocent X par Velázquez, portrait dont Francis Bacon a donné une version particulièrement déchirée.
J'aime autant l'une que l'autre ces deux reprises qui chacune à sa façon « explose » la représentation officielle d'un personnage symbolique de la culture occidentale, notamment ce 234ème Pape du XVIIè siècle.
Cette toile est tout particulièrement efficace qui nous donne à voir en fait de personnage quasi sacré du monde chrétien une espèce de nabot vêtu d'un simple drapé dont la couleur noire de la soie tranche d'autant plus vivement avec la couleur rose jambon des chairs du sujet. Le détail qui tue c'est évidemment ce caleçon noir qui détruit instantanément le statut quasi idolâtre dont jouissait l'individu nommé Giovanni Battista Pamphilj de la part de ses contemporains. Lui aussi n'était in fine qu'un organisme aux besoins quotidiens.
C'est évidemment tous les détenteurs passés et présent de ce même pouvoir qui sont représentés dans ce tableau peint par un Chinois dont la culture est radicalement étrangère à cette création du délire religieux occidental. Le personnage, comme tous ceux de Yu Minjun, a donc les traits chinois ce qui rend d'autant plus comique cette image d'un nabot élevé sur son trône par la vésanie de ses adorateurs.
La signature de Minjun, ce sarcasme permanent sur les visages des personnages du peintre qui exprime ainsi sa vision cynique du monde, délivre ici toute sa puissance qui donne à voir un avorton aux cinquante dents se fichant ouvertement de la masse de ses fidèles et du monde entier.
Il n'est pas sûr que le Vatican qui possède d'inestimables richesses artistiques fasse monter les enchères pour acquérir cette toile...
(The Pope -1997- Huile sur toile, 198x186. Collection privée)
2 commentaires:
It is hard to make fun of guignols like the decrepit popes and cardinals. I am reminded of Fellini's "The Clown" with its ecclesiastical fashion show and the old geezers walking down the runway to show off their clothing.
Speaking of Guignols, ceux de Canal + le font très bien...
This one is the funniest I can remember of.
C'est dans Fellini Roma que se trouve la scène dont tu parles et dont je me souviens toujours avec délice. Here it is.
At 2:33 "Au paradis toujours plus vite" LOL LOL LOL!!!
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