Démocratie, ce mot, plus que le concept, est l'alpha et l'omega de toute la philosophie politique contemporaine. Issu de la Grèce antique, il semble représenter l'indépassable horizon et l'aboutissement de plus de vingt siècles d'aspiration des hommes à la liberté et à l'épanouissement ultime de leur être politique.
Sauf que... si l'on s'en tient au sens premier du mot, pouvoir par le peuple, je ne sais pas où cela s'est jamais réalisé mais certainement pas dans nos démocratie occidentales. Celles-ci s'en prévalent pourtant pour donner au monde entier, à la Chine en particulier, des leçons de morale politique.
Le concept de démocratie émanant d'Europe, c'est tout l'occident qui de nos jours se présente aux yeux du monde comme l'accomplissement apuré de ce qu'est la démocratie en œuvre. What a fraud!
Quel est donc le secret de la démocratie qui lui permet de se présenter comme le système politique le plus achevé et qui le distingue des autres? La représentation parlementaire c'est-à-dire l'élection au suffrage universel des représentants du peuple censés exercer le pouvoir au nom du peuple.
En d'autres termes il s'agit de mettre un bulletin oui/non, bleu/rouge, Paul/Pierre dans l'urne et voilà, la démocratie est en place.
Dans les faits cela permet aux classes dirigeantes, quelles qu'elles soient, de donner aux peuples l'illusion de détenir un peu de pouvoir -dont le pouvoir de les nommer légalement, cela seul importe réellement aux détenteurs du pouvoir- pour ensuite se prévaloir de cette légalité formelle afin de faire ce que les membres des châteaux jugent bons ou utiles sans plus avoir de compte à rendre aux peuples qui n'en peuvent mais s'ils ne sont pas d'accord.
Une fois élus, les "représentants" font partie d'un système qui leur assigne un rôle dont ils ne peuvent se libérer, si tant est qu'ils le désireraient d'ailleurs. Les pseudo représentants du peuple ne représentent plus le peuple qui les a envoyés dans les assemblées parlementaires. Ils font désormais partie d'un ensemble (au sens mathématique) qu'on appelle institutions de la République, lesquelles se sont autonomisées et desquelles les électeurs sont exclus.
La "démocratie" c'est aussi la possibilité de tenir des référendums à l'occasion et dont les princes sont seuls juges de la pertinence, du thème, de la date. Et quand le résultat ne plaît pas aux détenteurs du pouvoir eh bien on s'en passe comme on l'a vu en France et aux Pays-Bas en 2005 lors du référendum relatif à la Constitution Européenne. Ou alors on fait voter et revoter les peuples jusqu'à ce que le résultat soit celui dont ont besoin les pouvoirs en place.
Ainsi pour l'Union Européenne des élections sont-elles organisées tous les 5 ans, os à ronger qui a été accordé aux peuples européens pour élire une assemblée sans le moindre pouvoir quant à la politique décidée et menée par les chefs d'État ou premier ministres des 27 pays membres. On appelle cela démocratie par le simple fait qu'il y a eu élection régulière dans le cadre d'un théâtre de l'absurde.
Un jeu de dupes où n'est dupe qu'un seul des deux contractants évidemment. Ainsi ces femmes afghanes qui votent le corps emmitouflé et rendue inaccessibles au regard de l'autre sont-elles des citoyennes qui exercent leurs droits à désigner leurs représentants aux élections législatives et participent de la sorte à la mise en œuvre de la démocratie. C'est à tout le moins ce que la propagande occidentale tend à faire valoir comme une réussite de l'impérialisme occidental sur l'obscurantisme (réel) d'un pays qui ne connaissait pas le pouvoir exercé par le peuple (aka democracy).
Un citoyen européen a-t-il plus de pouvoir sur les décisions et le fonctionnement des institutions européennes ou leurs orientations que n'en a un citoyen chinois sur les structures politiques, le fonctionnement et les décisions de l'État chinois? Je ne crois pas, non.
Un électeur américain qui vient de voter aux midterms a-t-il plus d'influence sur la marche des affaires de son pays, sur les orientations de sa politique étrangère ou économique que n'en a un irakien ou une électrice ivoirienne ou afghane?
La grande tromperie a consisté à faire passer l'instauration du suffrage universel comme la clef de voûte d'un système politique qui n'aura plus à justifier quoi que ce soit de ce qu'il fera car toute contestation serait antidémocratique donc inacceptable, voire illégale, par nature.
Les peuples votent et ne doivent plus s'exprimer jusqu'à la prochaine élection où, à coups de milliards de dollars et de manipulations médiatiques comme on le voit dans toutes les "démocraties", il choisira en toute connaissance de cause lequel des partis en course pourra légalement le déposséder de son pouvoir naturel.
Il en va d'ailleurs ainsi tant au niveau national qu'aux différents échelons des structures des États. Locales, départementales, régionales en France ou au niveau des Länder en Allemagne, des régions en Italie etc. De semblables élections ont lieu en Chine ou au Yémen.
La Révolution de 1789 ne s'est pas faite parce que le peuple ni quiconque réclamaient la "démocratie" mais par un refus de voir se perpétuer des inégalités sociales d'abord et politiques ensuite. La devise était et demeure (pour ce qu'il en reste) Liberté, égalité, fraternité.
Et pour cause car ce qui importe en fait et qui fait la différence entre nos "démocraties" et les dictatures, ce n'est pas le mode de gestion de l'appareil d'État (Sarkozy est-il différent de ce point de vue de Saddam Hussein ou de Kim Jong-il?) ni la façon dont celui-ci se structure ni comment les différents pouvoirs s'y distribuent.
La différence essentielle, et nous rejoignons là les principes de 89, c'est le respect des droits de l'homme et du citoyen, particulièrement tels qu'ils sont énoncés dans l'article 2 : ...la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
De ce point de vue, la France pays des
droits de l'homme etc. se singularise bien davantage hélas par sa proximité avec un État policier que par le respect des principes historiques qu'elle avait énoncés il y a 220 ans.
Quant à la démocratie, oui, c'est une véritable tromperie dont le but est de justifier avec le sceau de la légalité toutes les dérives possibles vers un État tel que se le représentait Louis XIV : L'État c'est moi!