samedi 29 mars 2008

Jamais contents




La presse anglo-saxonne relève souvent ce trait typiquement français de l’insatisfaction permanente, du jamais content, alors qu’il y aurait toutes les raisons d’être satisfait de ce que l’on a, en matière de système de santé par exemple. Il n'est pas difficile de faire remonter cela à la Révolution de 89, et même aux siècles qui l'ont précédée, puisque celle-ci n'en est au fond que la violente conséquence. Quand la monarchie a été renversée, que les privilèges ont été abolis, il s’est agi de rendre accessible à chaque citoyen ce qui jusqu’à présent ne l’était qu’au Roi, à l’aristocratie et au clergé.

Rien n’est jamais suffisant aux yeux des Français tant qu’ils ont le sentiment que d’autre peuvent bénéficier de “privilèges” qui leur seraient inaccessibles à eux. Les fameux privilèges, qui se reconstituent dans les corporations, quelles qu’elles soient. Avoir fait la révolution et inscrit l’égalité dans la devise nationale implique que toute “inégalité”, réelle ou perçue comme telle, est inacceptable et génératrice d’insatisfaction, du sentiment quelque part d’être dépossédé parce qu’on n’a pas ce qu’a une minorité.

Quand bien même son sort personnel ne serait nullement affecté, l’idée que certains aient plus que d’autres rend moroses les Français collectivement. Comme il en sera toujours ainsi, qu’une minorité aura toujours plus que le reste, qu’il y aura toujours des have et des have not, le sentiment d’une perversion des valeurs héritées de la Révolution restera toujours vivace, un climat de continuelle frustration restera toujours actif et prompt à déclencher à l’occasion des mouvements revendicatifs qui peuvent être violents et toujours redoutés des dirigeants. De là sans doute, une partie des atermoiements de la classe dirigeante qui sait d’expérience que toute mesure un tant soit peu réformatrice suscitera inévitablement l’opposition de ceux dont les privilèges "chèrement acquis" sembleraient devoir être remis en cause…

Il y a permanence d’une détestation (pour éviter le mot haine) de classes encore particulièrement virulente en France, plus peut-être qu’en aucun autre pays européen. 40 ans après « mai 68 », les forces qui s’étaient opposées à l’époque, elles-mêmes continuation de courants de pensée et de conflits d’intérêts datant de la Révolution, sont toujours en place, prêtes à se prendre à la gorge, singulièrement dans le cadre de l’Éducation Nationale, siège de tous les enjeux à venir.

Mai 68, chacun le sait, n’est pas la résultante d’un monôme d’étudiants nanterrois qui s’ennuyaient un certain dimanche de mars mais bien la manifestation explosive d’aspirations sociales et morales qui n’en pouvaient plus du climat de contrôle permanent du pays par une bourgeoisie (pompidolienne) aux commandes de toutes les manettes de la société. Il faut avoir connu les années pompidoliennes - si lointaines à présent et dont nulle nostalgie ne se fait jour nulle part à visage découvert - pour comprendre -sinon partager évidemment- le ressentiment d’une génération qui a connu la Justice aux ordres, la Police aux ordres, l’Armée aux ordres, les Médias aux ordres, l’Education Nationale aux ordres d’une classe représentée par un parti politique dont Pompidou était la caricature dans la suffisance vulgaire et l’autoritarisme assumé. Pompidou qui laissait guillotiner Buffet et Bomtemps dont l’un n’avait pas de sang sur les mains, juste quelques semaines avant les législatives.

Début des années 70 quand il y avait un Raymond Marcellin à l’intérieur (plus tard condamné pour emploi de travailleur au noir, non versement de charges sociales etc…) auprès duquel Sarkozy n’est qu’un Bisounours du Manège Enchanté. Epoque durant laquelle le climat anti-jeunes était tel que les jardins du Luxembourg étaient interdits aux jeunes! A ne pas croire et pourtant, c’était au faciès que les gardiens interdisaient l’entrée du Luxembourg à tous ceux qui étaient jeunes… (allez vérifier, j’y étais…). Epoque où le mot d’ordre du parti gaulliste semblait être repris de Primo de Rivera: “Mort à l’intelligence!”. Alors forcément ça laisse des traces qu’on le veuille on non…

Guy Mollet aurait dit de la droite française qu’elle était la plus bête du monde. Ce qui est sûr c’est que la droite française des années Pompidou était la plus rance, la plus avariée, la plus faisandée de tous les pays européens. A jeu égal avec l’Espagne franquiste et le Portugal salazariste. La composante religieuse en moins. Les “jeunes” et étudiants de ces années bénies n’ont pas la mémoire courte et se rappellent au bon souvenir des rejetons de leurs anciens maîtres.

Pour absurde et injuste que cela paraisse, ce n’est que la conséquence des conflits de la génération antérieure, époque où ceux qui tenaient le haut du pavé ne faisaient pas de cadeaux. Retour de manivelle…

4 commentaires:

Ned Ludd a dit…

Here is a post I made at SF,

Maybe there is not a “best place to live”, but there are some unlivable places, at least for uber-neocon NYT propagandist Charles Krauthammer.

“IN THIS TIME OF GIVING THANKS, I find myself filled with gratitude for having been born American. And not French. (For me, a close call: My parents were French citizens at the time of my birth, and French was my first language.) Why not French? ”



“No, the real comparison that we ought to make is to France. Partly because we began our experiments in republican government — models for the rest of the world — at almost precisely the same time (the year of our Constitution was the year of their Revolution). But mainly because the French seem to insist upon measuring themselves against us.

For the past 50 years they have insisted on making themselves the great Western dissenter to American greatness, the counterpoint to American dominance. The would-be East-West triangulator during the Cold War has now metamorphosed into a rallier of those disgruntled at the prospect of yet another American century. ”

http://www.jewishworldreview.com/cols/krauthammer112999.asp

- I do have trouble understanding the last part of his article.

“To have been born to a people that in the first invasion of Nazi-held territory — Operation Torch, the 1942 allied invasion of North Africa — were firing in on the Nazis rather than out on the allies. One can almost see “Casablanca’s” Captain Renault half-heartedly ordering a cannon or two fired on allied ships in order to please Major Strasser, and then welcoming the Americans and the British ashore when the unpleasantness was over.

Praise the L-rd. Pass the turkey. Vive l’Amerique.”

There is much more in the article.

Flocon a dit…

The article written 9 years ago and published in a Jewish newspaper shows what a sick mind, filled with hatred Krauthammer is.

There's no debatting his points, they're drivel from a lunatic.

He was trained as a psychiatrist, just like Karadzic (spelling?) was.

The last paragraph is unclear to me too. Maybe he wanted to put so much emphasis on his delirious rhetorics that in the end he's got lost in his own maze...

Ned Ludd a dit…

The current post-68 right has other values. I remember you once posted a picture of Arno Klarsfeld in an Israeli uniform. I didn't realize till today that Klarsfeld had committed a book about his experiences. "Israel Transit".

http://tinyurl.com/yszfq7

If the link doesn't work, just look it up on Amazon.

Being curious, I found a couple articles about his experiences. It is worse than I thought. Here he supported the Iraq War.

http://www.voltairenet.org/article133893.html

Here he talks about his military experience - to an extreme right wing news agency - in the Israeli border guards, in other words harassing Palestinians. Apparently he was assigned to Bethlehem.

http://fr.altermedia.info/politique/8372_8372.html

Flocon a dit…

ned,

The picture of Klarsfeld you mention is easy to find on Google images. I used it on one of the very first posts of this blog.

And as I link to it, I see it is no more to be seen? Mystères de Blogger...

Quoiqu'il en soit, it shows how one can make up one's mind within less than 6 months.

I had no particular point of view about the Israeli/palestinian conflict up to now and, well, I've opened my eyes... La force de l'habitude et du fait accompli... :-(