Pourquoi les socialistes n'ont-ils pas le courage et le bon sens de parler de cette période qui est tout en leur faveur?
C'est une interrogation que je me faisais dans les années 80 quand la droite harcelait les différents gouvernements de Mitterrand avec une mauvaise foi et une violence à laquelle les socialistes réagissaient à peine. Leur pathétique système de défense se limitait à des réponses polies et sans portée genre, "c'est çui qui l'di qu'y est". Et pour ce qui est de l'offensive quand la gauche est dans l'opposition, eh bien elle est inexistante, il n'y a pas d'offensive hormis d'insignifiantes petites déclarations de désaccord.
J'avais bien observé cette lamentable attitude des socialistes à encaisser benoîtement les coups de la droite - qui elle n'y va pas de main morte - sans chercher à comprendre l'origine et la raison de cette masochiste apathie. Et puis la remarque de Ned m'a donné à penser...
Plusieurs éléments peuvent entrer en ligne de compte tels que le rapport historique au pouvoir en France où la mentalité monarchie absolue est encore omniprésente tant dans les relations politiques que dans la sphère économique.
Mais si cet élément historique peut expliquer pour partie la pusillanimité des socialistes, elle ne rend pas compte cependant de ce phénomène même si, d'une certaine façon, elle trahit une aliénation mentale permanente de la sociale démocratie à la française qui porte avec elle le sentiment et la culpabilité de n'être fondamentalement pas à sa place sur le trône républicain.
Souvenons-nous de la déclaration de Chirac en 1981 ou 82 : « L'expérience socialiste ne durera pas deux ans ». Sous-entendu, il s'agit d'une aberration historique, la gauche n'est naturellement pas faite pour le pouvoir, ce n'est pas sa place, qu'elle reste where it belongs : dans les coulisses du théâtre de la bourgeoisie.
La droite n'a pas de ces complexes : le pouvoir lui est naturel, elle le sait, l'affirme et le rappelle en permanence : Les socialistes sont au fond des usurpateurs !
La dimension religieuse entre les Protestants du nord de l'Europe et les Catholiques est je crois essentielle pour expliquer la différence du rapport au pouvoir entre les uns et les autres. Martin Luther était un révolutionnaire qui a bouscule d'incroyable façon le dogmatisme catholique et ce faisant à tué le Père, aka le Pape.
On remarquera combien le titre du pape est parlant si l'on use d'une grille de lecture freudienne... Le Saint Père ! Tout est dit...
C'est précisément cette interprétation freudienne que j'adopte (en toute modestie).
Si l'on considère que l'humanité s'est constituée à partir du schéma classique du père chasseur et pourvoyeur de nourriture, la figure de celui qui est érigé en totem et dieu salvateur est bien celle du père protecteur et nourricier, celui qui défend et perpétue la vie du groupe. Au fil des millénaires, c'est bien celui qui dispose de plus de forces et d'autorité qui domine les autres, la horde ou la tribu. Et in fine, c'est toujours d'un pouvoir économique au sens large qu'il s'agit. C'est un fait de nature qui est devenu fait de culture.
Par extension, cette figure ne se retrouve-t-elle pas dans le caractère de l'entrepreneur, non pas d'abord au sens économique moderne, mais tout bonnement chez l'individu capable de prendre des initiatives et ayant l'appétence du pouvoir que n'ont pas les autres?
C'est là je crois que se retrouve l'entrepreneur capitaliste, celui qui, à l'origine, prend des risques qui doivent lui assurer l'accession au pouvoir économique et politique donc, c'est tout comme.
Depuis des siècles et tout particulièrement la Révolution industrielle, l'entrepreneur est celui qui donne du travail et assure les revenus et donc la survie des masses. Il n'est que de voir les menaces et le chantage régulier des possédants à s'exiler et à délocaliser si les partageux deviennent par trop importuns.
Elle trouve là son origine je crois, la lâcheté des socialistes face à la droite porte-parole des possédants. «Excusez-nous de vous demander pardon mais on voudrait bien récupérer un peu du fruit de notre force de travail que vous exploitez à des fins privées, mais on ne voudrait pas vous bousculer ni vous froissez et puis surtout si vous faites les gros yeux soyez assurés que nous n'insisterons pas ».
Les socialistes français n'ont toujours pas tué le père, le Saint Père qui les domine, et ce n'est certainement pas demain la veille qu'ils le feront, surtout avec un dur comme F. Hollande à leur tête.
On rendra cette justice aux communistes qu'ils n'avaient pas ces pudeurs de rosières et qu'ils savaient comment déboulonner les fausses idoles de leur piédestal.
Lénine, Trotski, revenez, tout est oublié !
18 commentaires:
Puisqu'il est question (un peu) de révolutionnaires , voici un article qui peut t'intéresser ZapPow.
J'ignorais que la personne de Fanon, ou du moins son message, est plus ou moins controversée en Martinique.
Il y a quelques annés, Michael Moore a dit que le problème avec les Democrats était qu'ils sont des mauviettes(wimps) et même quand ils gagnent, ils perdent.
Je savais qu'Obama n'était pas l'homme de la situation quand il a parlé de "bipartisanship", et il avait une majorité dans les deux chambres.
Les Republicans n'ont rien à foutre de "bipartisanship" et quand ils étaient au pouvoir ils ont fait ce qu'ils voulaient, sans rien démander des Dems, et ont détruit le pays.
Un peu hors sujet, mais cette article sur l'église, Nietzsche, et le nihilisme pourrait t'interesser.
Au ciné, l'héroïsme catho est-il un nihilisme ?
C'est la première article que j'ai lu où l'auteur explique ce que c'est le nihisme d'après Nietzsche.
J'ai toujours le même message d'erreur de Google et je dois poster toujours deux fois pour arriver.
Dans le cas des États-Unis, il est sûr que ce ne sont pas des siècles de féodalisme et de monarchie absolue qui "expliquent" la pusillanimité des Dems vis-à-vis des Reps.
Étant donné l'origine "brut de décoffrage" (don't know if you're familiar with the expression though) des rapports sociaux, il me semble que cela relève essentiellement du rapport de force primaire entre le chef et les soumis.
Le façon dont les conflits sociaux ont été réglés au XIXe siècle et jusqu'au début du XXe a montré comment les mouvements ouvriers et les syndicats étaient brisés par la force et la violence. Les forces de l'ordre sont au service des classes possédantes et font régner l'ordre sans trop de subtilité.
Je n'ai pas sous la main de référence où l'armée et la police réprimaient avec violence telle ou telle manifestation de revendication salariale ou syndicale mais je pense à E. Debs et à la grève Pullman par exemple.
Those who have accumulated wealth through the exploitation of those who haven't won't hesitate to murder the later when they ask for some change in the basic structure of the system.
The wealthy consider it a matter of life or death and will react accordingly to protect their situation on top of the hill.
After revendications have been met with bullets and prison for decades, no wonder the masses have integrated the notion that the world is divided into two parts : the boss, (the father) and them.
Les représentants des classes pauvres ou moyennes ne sont plus des révolutionnaires mais des gérants du système qu'il ne veulent plus réformer mais tout au juste aménager à la marge.
Alors ils sont polis et pas revendicatifs du tout... Socialistes français ou européens en général et Dems qui ne sont pas du tout revendicatif à l'opposé deu
Petite interruption intempestive but never mind...
Merci pour le lien vers le nihilisme, ça me donnera l'occasion de travailler un peu la question dont j'ignore à peu près tout.
Le terme nihilisme me fait penser d'abord au mouvement russe et à Dostoïveski mais le concept même m'est assez peu clair entre le politique et le philosophique.
D'ailleurs les commentaires sur l'article de Rue 89 indiquent bien qu'il y a une certaine incompréhension des uns et des autres, les premiers reprochant aux seconds de ne pas parler de la même chose et réciproquement.
Il faut que je prenne quelques heures pour m'informer.
Le nihilisme de Nietzsche est issu de la pensée de Schopenhauer dont je ne me souviens pas qu'il ait jamais utilisé le mot. Mais sa pensée est sans aucun doute à l'origine de la conceptualisation qu'en a fait Nietzsche.
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Sur le point particulier de donner un sens à sa vie (comme les moines de Tibhirine), je ne crois pas à ce beau conte de fée.
Ma conviction que le plus rigoureux déterminisme nous amène à chaque instant à vivre ce que nous vivons m'assure qu'il n'y a jamais un choix de vie plutôt qu'une autre.
Chacun peut donner un sens à sa vie selon sa convenance qui, elle-même, n'est que le produit de ce qu'il est, d'où il vient, de ce qu'a été son histoire jusqu'à tel instant etc.
Les moines de Tibhirine n'ont rien choisi, ils étaient sur les rails de leur destin et de leurs convictions qui les ont menés là où ils étaient et où ils ont fini.
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Désolé que Blogger te joue encore des tours mais je suis comme toi quand ça arrive : I have to wait until it returns to normal.
According to my Merriam-Webster's Dictionary, the word "nihilism" first means, "a viewpoint that traditional values and beliefs are unfounded and that existence is senseless and useless"; "a doctrine that denies any objective ground of truth and especially of moral truths". Not exactly what Nietzsche says, but close and I can live with that.
But most people think of it as the second definition, "a doctrine or belief that that conditions in the social organization are so bad as to make destruction desirable for its own sake independent of any constructive program or possibility".
My Petit Robert Dictionnaire first says, "Négation de toute croyance" but adds "Philos. Pour Nietzsche, volonté de néant et négation de la vie sous couvert de morale". That is more accurate and shows why Nietzche thought that Christianity was nihilistic. The Robert doesn't have the second definition of the English version.
In the 19th century there are too many violent attacks on workers and strikers to mention. The Haymarket Massacre is one of the most famous as it gave rise to May Day.
Private militias and police forces like the Pinkertons were used in addition to government forces. Maybe the last major one was The Bonus Army in 1932.
Then of course there was the violence against Civil Rights protesters.
Max Stirner! that reminds me of my young libertarian days, until I learned better. My other hero was Lysander Spooner who had the distinction of being claimed by both a certain left and the libertarians.
I haven't thought of these guys for decades.
Glad to see the quotes don't pass unheeded...
"I haven't thought of these guys for decades."
Not quite so though since I remember you lambasted Stirner some months ago when the topic at hand was libertarianism.
As for Lysander Spooner, that's because you mentionned him that I learned he existed.
C'était dans les commentaires du même billet, il y a un an je crois.
Je vais essayer de retrouver ça.
"I haven't thought of these guys for decades."
Make it weeks and this should be OK ;-)
Pour ce qui concerne sa citation, elle est du même modèle que celle de Lacan :
« Je dis toujours la vérité: pas toute, parce que toute la dire, on n'y arrive pas... Les mots y manquent... C'est même par cet impossible que la vérité tient au réel ».
Ok I've retrieved the page where you mention Stirner and his pals...
Et cela fait presqu'un an jour pour jour figure-toi!
I've added a new feature on Shall We Talk ?
Il y aura un article Wiki par semaine (le temps de le lire pour ceux que cela intéresse), ce qui maintient une certaine activité avec les bandes son jazz et classique, les tableaux et les citations.
(Pour info, je n'ai rien à voir avec ce premier article auquel je n'ai ajouté ni retiré un seul octet...)
I am embarrassed. My memory must be going, but I don't think is because of the LSD that I last took long ago, if I remember right. Are we in 1971 or 2011?
I see your new feature begins with Smedley Butler. The BBC, as usual, has made a documentary on the subject called The White House Coup
« Are we in 1971 or 2011? »
Je trouve très intéressant le rapport que chacun d'entre nous entretient avec le temps qui n'est jamais qu'un marqueur de la relation au réel.
-Untel me dit "il y a longtemps".
-Oui mais c'est quoi longtemps ? 3 ans ? 15 ans ?
-Je sais pas moi, l'année dernière peut-être...
- Oui mais ça ce n'est pas longtemps pour moi. Longtemps ça se compte en années chez moi.
Ou quelqu'un me dit "Il y a 7 ou 8 ans" alors qu'en fait c'était il y a tout juste 2 ans.
Mais don't worry Ned, just ponder on this quote from Hegel :
« La longueur du temps est une chose toute relative et l'esprit appartient à l'éternité. Pour lui, la longueur proprement dite n'existe pas ».
(Introduction aux leçons sur la philo. de l'Histoire)
I see there are many videos about the alleged coup to overthrow or even kill F.D.R. The one you link to is divided into three parts which means I'll have to stop listening to Thelonious Monk for a good half an hour...
Précisément, voici une vidéo (sort of) de Butler himself. Il y a près d'une heure d'écoute cependant et en anglais. That would have been a good topic at SF's back "il y a longtemps"...
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Par ailleurs ce m'est l'occasion d'écrire un billet sur un sujet que j'ai en tête depuis... waouf... plus de trente ans.
Illustration...
Le monde
« C'est tout l'inconscient de la droite qui est ressorti dans cette formule: la gauche est illégitime au pouvoir. Pour monsieur Baroin comme pour ses amis, la démocratie impose la gauche par effraction car le pouvoir leur appartient de toute éternité. Cet antienne est aussi vieille que la droite dans ce pays: on l'a entendue sous Jaurès, Blum et Mitterrand ». (Cambadelis)
« La droite se sent tellement propriétaire de la France, que pour elle, toute alternance démocratique du pouvoir est un vol des droits inaliénables de l'oligarchie ».
(Martine Billard)
Netanyahu is a liar according to Sarkozy, who I guess will have some 'splaining to do.
Wall Street Journal
I never thought I would agree with Sarkozy about anything.
"I never thought I would agree with Sarkozy about anything."
La vie est une suite de surprises...
Re. Netanyahou, maybe has Sarko met his match?
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