Dans les années trente une équipe de prospecteurs miniers envoyée par une compagnie néo-zélandaise avait atterri dans une île de Papouasie-Nouvelle-Guinée où elle avait rencontré les autochtones qui n'avaient jamais eu de contacts avec la civilisation extérieure depuis des siècles.
Ces gens n'avaient jamais vu de blancs et l'apparition de ces êtres arrivés par le ciel fut vécue comme un événement à la fois incompréhensible et très inquiétant.
Les cinq prospecteurs étaient munis de caméras si bien qu'ils purent enregistrer leurs rencontres avec les habitants, leur stupeur comme leur curiosité. Les néo-Zélandais étaient également pourvus d'armes à feu dont ils firent usage pour impressionner les Papous et aussi assurer leur sécurité face aux indigènes qui, une fois leur stupéfaction passée, se montraient de plus en plus menaçants.
La modernité avait pénétré ce territoire et à jamais modifié le rapport de ces hommes avec la nature et le réel tel que nous l'entendons.
Quelque cinquante ans plus tard les survivants de cette population furent retrouvés et interrogés après qu'on leur eût projeté les images tournées quand ils étaient encore enfants. Eux-mêmes se moquèrent alors de la naïveté et de l'état d'arriération qui étaient les leurs quand les blancs arrivèrent.
Comme pour les Inuits, les polynésiens et bien d'autres cultures jusqu'alors isolées, cette rencontre des Papous avec une culture infiniment plus puissante que la leur eut la même conséquence qu'auparavant : Tout leur univers mental fut bouleversé de fond en comble pour complètement disparaître en tant qu'ordonnateur de leurs pratiques sociales.
Comme toutes les civilisations, les Papous avaient créé des mythes qui servaient d'explication à l'origine du monde -c'était leur cosmogonie- et aussi à l'origine de leur propre histoire. Ces mythes qui tenaient lieu de vérité étaient véritablement l'équivalent de nos explications scientifiques quant à l'origine de l'univers et de l'histoire, mythes auxquels ils croyaient aussi inébranlablement que nous croyons aux acquis scientifiques des siècles passés.
On peut regretter qu’ait disparue une partie du patrimoine culturel immatériel de l'humanité mais cette attitude peut aussi s'apparenter au regret que la raison ait surmonté les superstitions, aussi élaborées soient-elles.
Cette déploration relative à la disparition des cultures archaïques me semble surtout être d'ordre sentimental au fond car si cette évolution du devenir humain a eu lieu c'est qu'elle devait se produire telle qu'elle s'est produite. La destinée de l'homme est inscrite dans son essence même et le propre de l'homme est de développer les virtualités cognitives que lui seul possède.
Le monde vivant est à l'image de l'univers dont il est une partie : il évolue et se complexifie à l'infini comme l'esprit dont la nature est de ne connaître aucune limite. Il n'y a aucune morale en cela, ni bien ni mal, pas plus que l'univers n'appelle de considérations morales.
Sauf à croire en un arrière monde que promettent toutes les religions, il n'est guère possible aux hommes d'accepter que leur vie n'a aucune signification : Elle est absurde et les mythes avaient pour fonction de palier ce vide.
La démythification a pour conséquence de placer l'homme face à lui-même et à l'absurde de son existence. Il faut assumer et c'est en acceptant son destin qu'il accède à sa propre éternité.
6 commentaires:
I'm five feet above the ground... well, okay, I'm four feet eleven inches above the ground. But I'm not a handsome man such as js depicted in your post, so what could five feet above the ground be about? People who are buried are more or less five feet beneath the ground. A play on words? A game on words? ;)
Like was the case with the later post which I eventually botched I may have some difficulties with this one.
"so what could five feet above the ground be about? "
In the end I'll keep the picture of that man who could teach a thing or to to Lady Gaga re making up but I'll change the title and will use the current one for another post.
(Be assured no American will be hurt or harmed in the process though)!
As regard save/safe, safe is so much like "sauf" que la mistake est aisément commise.
Pour game/play on words je ne me souvenais plus et je pensais à Wimbledon Game, set and match). Donc maintenant je me souviendrai que ce n'est ni Wimbledon ni Flushing meadows ;-)
J'ai vu cette histoire des néo-zélandais landing on this island il y a peut-être une vingtaine d'années à la télé donc je ne me souviens plus des détails.
Peu importe d'ailleurs, cela ne change rien au thème du billet.
Peut-être qu'une recherche approfondie sur la toile donnerait des résultats.
"La démythification a pour conséquence de placer l'homme face à lui-même et à l'absurde de son existence. Il faut assumer et c'est en acceptant son destin qu'il accède à sa propre éternité."
Et c'est là que réside la difficulté. Il faut avoir le courage de se remettre en cause, et il est très difficile pour un croyant de le faire. Une étude américaine a d'ailleurs montré que face à la réalité des faits, on préfère généralement rester dans l'erreur, et éviter toute remise en cause.
Je ne sais si j'ai déjà raconté cette petite aventure : un ami très croyant, au point d'avoir chez lui une chapelle où un prêtre venait dire la messe, soutenait que la Bible, qu'il connaissait sur le bout des doigts, condamnait la théorie de la réincarnation. Agacé par cette certitude, je lui ai démontré qu'il se trompait. Après trois jours de réflexion, j'ai su qu'il avait décidé de considérer que cette discussion n'avait pas eu lieu, car elle l'aurait obligé à reconsidérer la base même de sa vie spirituelle. Il avait aussi décidé de ne plus jamais discuter religion avec moi.
"Il faut avoir le courage de se remettre en cause".
En passant, une des grandes difficultés que rencontre l'analysant sur le divan, c'est qu'il lui faut accepter de se déconstruire en attendant de se reconstruire.
Il n'est effectivement pas facile ni "naturel" d'accepter de démonter soi-même l'échafaudage mental que l'on a mis trente, et quarante ans -si ce n'est plus- à construire et avoir le sentiment de se trouver dans le vide en quelque sorte pendant des mois voire plus.
Les résistances sont au cœur de la pratique analytique comme tu sais et n'affectent pas que les croyants, bien que ceux-ci soient tout particulièrement rétifs au changement puisqu'il s'agit le plus souvent pour eux d'une question véritablement existentielle et pas seulement d'un trouble du caractère ou d'une névrose plus ou moins bien installée et structurée.
Je n'ai pas souvenir que tu aies raconté l'histoire de ton ami qui est vraiment, vraiment croyant pour le coup!
"Après trois jours de réflexion, j'ai su qu'il avait décidé de considérer que cette discussion n'avait pas eu lieu"
Cette situation ne m'est pas inconnue de quelqu’un à qui je croyais avoir ouvert les yeux (ce qui est un peu prétentieux je le reconnais) et avec qui, une semaine plus tard, il semblait que notre conversation n'ait jamais eu lieu! (C'était l'objet d'un billet il y a trois ans)
Il n'y a alors plus rien à faire d'autant que l'interlocuteur peut aussi essayer de convaincre l'autre qu'il est, lui, dans l'erreur.
Pour ce qui concerne les peuples qui ont perdu les mythes qui fondaient leurs cultures (Native Americans au hasard...) on pourrait s'étonner qu'ils aient accepté de changer leurs paradigmes au profit des nouveaux qui leur ont été apportés.
C'est qu'il n'y a guère de choix quand le réel s'impose avec des armes à feu et une puissance matérielle démesurée.
Les Pré-colombiens ont connu la même histoire avec l'arrivée de Pizarro et autres conquistadors. Le réel ça fait mal.
ZapPow,
Je suis tombé sur quelques citations qui illustrent ton anecdote :
"Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou".
Nietzsche (Ecce homo)
"Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que le mensonge".
Nietzsche (Humain trop humain)
"Le pire ennemi de la vérité ce n'est pas le mensonge mais la conviction."
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