lundi 23 mai 2011

L'aura

Au British Museum de Londres sont exposées des roches rapportées de la Lune par une des missions Apollo. 

Je me souviens très bien les regarder en me faisant la réflexion que ces cailloux n'avaient rien à me dire. Comme tout un chacun j'imagine, je faisais l'effort conscient de me dire : J'ai sous les yeux quelque chose qui vient d'un endroit particulier et lointain mais qui -en soi- n'a rien d'extraordinaire. Un peu comme un rocher qui aurait été extrait du fond d'un océan ou même à 100 kms sous la croûte terrestre.

De la même façon, exposer un pan du mur de Berlin à New York ou un fragment calciné des restes des Twin Towers à Pékin n'a aucun sens, ces objets n'ont rien d'autre à nous dire que ce que nous leur faisons dire.

C'est un rapport univoque que nous entretenons avec ces objets auxquels nous nous adressons mais qui, eux, restent muets car ils sont disponibles et vides de sens. C'est nous qui projetons sur eux les images et pensées que nous fournissent notre imagination, notre ignorance  et nos fantasmes collectifs.

Walter Benjamin a créé le concept d'Aura qui émane d'une œuvre d'art en ce que l'identité de celle-ci repose essentiellement sur les conditions culturelles et historiques de sa création. 

Exposer où que ce soit des objets qui n'ont pas été créés par l'homme avec une intention particulière relève du fétichisme ni plus ni moins. Ainsi du  crâne de Descartes qui est conservé à Paris et pour lequel certains ont des projets.

Ni les plaques de béton du mur de Berlin ni les tôles des Twin Towers n'ont la moindre aura en tant qu'attribut essentiel. Si nous leur en attachons une, c'est uniquement un substitut que nous lui attribuons.

Distinguons bien ce qui relève de la curiosité superstitieuse et idolâtre de ce qui a été créé intentionnellement par l'homme et qui seul mérite le respect.


4 commentaires:

ZapPow a dit…

Exactement. Moi, c'est la vue de croyants faisant leurs dévotion devant une statue de la Vierge qui m'a fait penser la même chose. L'objet vaut plus par ce que nous y investissons que par ce qu'il est en réalité. Encore que, pour celui qui investit dans l'objet, ce qu'il y met est réalité.

Flocon a dit…

Je n'avais pas pensé à la dimension religieuse mais c'est bien ça.

Pense aux croyants qui n'ont même pas besoin d'une icône matérielle telle une statue mais qui prient devant un mur où une tache humide leur paraît être une apparition de la Vierge ou face à une ombre qui se forme à telle heure sur les reliefs d'un rocher et où ils voient le portrait du Christ.

Reconnaissons à l'Islam de ne pas permettre de tels délires.

Les enfants eux aussi reconnaissent des formes dans les nuages ou dans les flaques des trottoirs. Mais eux sont des poètes...

Il n'empêche, ce besoin de reconnaître et de ramener l'inconnu au connu est ancré au plus profond de notre humanité.

C'est le stade archaïque qui sert de fondement à toutes les religion et croyances.

S'ébahir devant les pierres provenant de la Lune c'est le point de départ qui mène à l'idolâtrie.

"L'objet vaut plus par ce que nous y investissons que par ce qu'il est en réalité."

Beauty is in the eyes of the beholder diraient certains.

"pour celui qui investit dans l'objet, ce qu'il y met est réalité"

Très vaste débat. A bien y regarder chacun ne procède t-il pas de la même façon à quelque niveau que ce soit? Heureusement c'est le plus souvent une petite part de réalité que chacun confère à l'objet ou à la représentation qu'il choisit.

Même s'ils sont des millions à investir dans les mêmes croyances ou les mêmes objets d'idolatrie, à la fin du mois il faut bien payer les traites et le réel s'impose de la même façon à tout le monde.

Mais qu'est-ce que le réel et le réel est-il tout ce qui apparaît comme tel?

ZapPow a dit…

"Mais qu'est-ce que le réel et le réel est-il tout ce qui apparaît comme tel ?"

Nous voilà revenus à la base même de la philosophie, et au programme de Terminale ;°)

Flocon a dit…

Oui, oui, tout à fait :-D

Les Grecs ont commencé par là et il y a 80 ans Husserl reposait la question des apparences avec la phénoménologie (Il faut vraiment que je fasse un effort de ce côté là d'ailleurs, mes précédentes tentatives m'ont laissé sur ma faim).

On est bien en Terminale puisque c'est la question type au Bac relativement au beau, à l'art et au réel dont "traite" le billet.

Mais tu as raison, cette dernière ligne de ma réponse était un gros bateau. A 7h 57 on veut trop bien faire...