Il y a quelques années un article de The Economist avait attiré mon attention. Il s'agissait de déterminer quelles conséquences l'obésité avait sur l'économie et s'il était justifié que les employeurs ou les États interviennent pour lutter contre ce phénomène.
Une phrase de l'article de The Economist m'est resté en mémoire : If people want to eat out their grave, why and on which ground should they be prevented to do so?
Indépendamment des conséquences économiques et financières de l'obésité qui sont d'ordre pratique disons, y a-t-il une réponse morale relativement à l'intervention ou pas de la société sur le comportement des individus?
Si l'on accepte le point de vue des Libertariens, il est loisible à chacun de se détériorer la santé jusqu'à la mort par le tabac, l'alcool, les drogues diverses, une conduite automobile irresponsable voire de se suicider. Pourquoi la collectivité s'en soucierait-elle?
Dans la mesure où leurs conduite n'affecte qu'eux seuls, pourquoi pas en effet?
De la même façon, pourquoi en irait-il autrement du suicide et de quel droit la collectivité s'en soucie-t-elle?
So, live and let die?
Aucune société ne peut tolérer le suicide -ni aucune des religions monothéistes- car ce serait admettre la supériorité de l'individu sur la collectivité et remettrait donc en cause la prééminence du général sur le particulier. Accepter le suicide serait pour les sociétés et les religions admettre leur inanité et leur impuissance face à la volonté individuelle d'échapper à leur emprise.
Ce n'est nullement par altruisme que les sociétés et les religions interdisent ou veulent empêcher les suicides, bien au contraire. Quoiqu'elles se porteraient mieux si se suicidaient tous ceux qui sont au niveau du passage à l'acte (ils sont en nombre infinitésimal), les sociétés "modernes" condamnent le suicide car celui-ci est une mise en cause de leur autorité et donc de leur légitimité.
Une entité collective est un objet comme un autre d'un point de vue spinoziste et elle tend naturellement à persévérer dans son être. Du point de vue Hobbesien, l'État ne doit pas connaître d'entraves et nul ne peut s'opposer à la volonté du Léviathan ni en contester l'autorité sous peine de mort.
Dans l'un et l'autre cas, nul altruisme, l'individu n'est rien pour l'État.