A la fin des années 70, j'avais entendu à l'occasion des législatives de 78 ou des présidentielles de 81 je ne sais quel politique de droite faire valoir qu'à l'ouest les États démocratiques laissaient aux gens le droit de s'exprimer comme ils voulaient, de critiquer les gouvernements sans risques etc. alors qu'à l'est on ne pouvait même pas se déplacer sans passeport à l'intérieur de l'URSS.
Le fait est que l'argument semblait imparable, la liberté d'expression et encore moins la liberté de contestation n'étant pas exactement des produits d'appel pour le socialisme made in USSR.
Autant on peut adhérer à la critique léniniste selon laquelle le système électif à l'occidentale est une liberté formelle, autant on peut ne pas inclure dans les libertés formelles la libre expression, la libre disposition de sa personne, le droit d'association etc.
Me réveillant d'un long sommeil dogmatique, j'ai fini par comprendre que si effectivement certains des droits de l'homme étaient plus "respectés" à l'ouest qu'ils ne l'étaient à l'est, cela ne tenait nullement à une tolérance
per se du système capitaliste mais bien plutôt à une priorité de valeurs entre le capitalisme et le socialisme.
Comme son nom l'indique, ce qui fonde le système capitaliste c'est bien la recherche du profit et rien d'autre. L'argent est la valeur cardinale, le reste importe peu.
Certes on pouvait reconnaître que les U.S laissaient tourner et diffuser à l’international des films comme "
All the President's Men" ou tout autre film démontant les mécanismes de l'exploitation économique ou exposant les conditions de l'impérialisme américain à l'échelle mondiale.
De même tous les protest songs étaient librement diffusés dans le commerce et Jimi Hendrix pouvait dés-interpréter l'hymne américain, cela faisait grincer des dents mais le premier amendement était là pour le protéger des censeurs. John Lennon pouvait chanter "
Give Peace a Chance" all he wanted, et tous les autres avec lui autant qu'il voulaient, personne ne pouvait les en empêcher.
Par comparaison avec la France où certains titres de Brassens étaient interdits d'antenne comme l'étaient certains films (
La Bataille d'Alger, Français si vous saviez) ou livres
(La Question de Henri Alleg), les U.S semblaient bien libertaires.
Je ne crois plus du tout que le système capitaliste puisse être crédité de sa pseudo tolérance vis-à-vis des opinions divergentes et de sa longanimité par rapport aux critiques qui lui sont adressées de son sein même.
Basically, le capitaliste se fiche de ce que l'on pense de lui, de ce qu'il fait et de la façon dont il le fait, la seule chose qui l'intéresse, le motive et le fait agir c'est la recherche du profit. Bob Dylan, Joan Baez, Pete Seeger et tous les autres peuvent chanter all they want, pourvu que cela n'entrave pas les affaires.
Par contre dès qu'il s'agit de syndicalisme et de lutte des classes, le capitalisme est tout de suite beaucoup, beaucoup moins tolérant et le temps n'est plus aux petites chansons protestataires qui ne gênent personne.
La sauvagerie des répressions des manifestations syndicales ou des mouvements de revendication salariale dans l'histoire des E.U montrent bien que la "tolérance" qui serait une des vertus du capitalisme trouve très rapidement ses limites dès qu'on approche du cœur du système.
La liberté d'expression au sein du système capitaliste c'est bien joli mais il ne faut tout de même pas que cela devienne sérieux (read, prevent us from making money) parce qu'alors the tune isn't the same.
Ce ministre giscardien avait pour lui un argument apparemment irréfutable, il oubliait juste de le développer. En gros vous pouvez protester tant que vous voulez, ("
tous les jours même, de la mairie à la gare de Créteil" comme disait Coluche) mais acceptez en échange de vous faire exploiter par le système en vendant votre force de travail pour le minimum qui vous est nécessaire pour vivre et acheter nos produits.
Il en va des protestations et de la liberté d'expression dans le système capitaliste comme des élections : Votez pour qui vous voulez comme vous l'entendez, vous êtres libres... jusqu'au moment où cela ne nous convient plus.
De même que "La dictature, c’est ‘ferme ta gueule’ ; la démocratie, c’est ‘cause toujours'", l'expression des protestations et des opinons dissidentes et critiques c'est « cause toujours tu m'intéresses », l'essentiel est que tu ne touches pas à ce que je t'ai pris avec ton accord puisque je ne t'y ai pas physiquement contraint.
Sinon tu chantes et tu critiques autant que tu veux et tu votes pour qui tu veux, tu es libre... jusqu'à un certain point...